Une aide-soignante jugée pour maltraitance dans une maison de retraite
Douze mois avec sursis ont été requis, ce 29 septembre à Roanne (Loire), à l'encontre d'une aide-soignante d'un EHPAD accusée de maltraitance sur des pensionnaires souffrant d'Alzheimer. Ceux-ci étaient insultés, enfermés ou réveillés pour être changés sans ménagement. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 27 octobre 2015.
Pour parler de cette situation, "Le magazine de la santé" recevait ce 30 septembre Annie de Vivie, fondatrice du site AgeVillage.com, site d’information pour les personnes âgées dépendantes et leurs familles.
"On est clairement sur la brutalité et la brusquerie", a souligné le substitut du procureur Jean-Christophe Michard, évoquant les "témoignages constants et précis" des collègues de l'aide-soignante. Il a aussi réclamé une interdiction définitive d'exercer une activité en lien avec des personnes âgées.
Employée depuis 36 ans au sein de l’établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de la Pacaudière, Brigitte Bayon, 55 ans, répond de "violences habituelles sur personnes vulnérables n'ayant pas entraîné d'ITT (ndlr : Incapacité Totale de Travail)".
Les "maltraitances physiques et verbales", les "humiliations" qui se seraient produites durant ses gardes de nuit, entre janvier 2011 et mars 2014, avaient été dénoncées par six collègues de cette déléguée CGT, très bien notée, à l'arrivée de la nouvelle directrice de l'EHPAD, en janvier 2014. Plusieurs d'entre elles avaient d'ailleurs demandé à changer de service car elles ne supportaient plus ses agissements et son côté "autoritaire".
Une enquête administrative avait été diligentée et le dossier avait été transmis à l'Agence régionale de santé (ARS) et au parquet de Saint-Étienne. Les familles de 26 pensionnaires avaient alors porté plainte mais la plupart d'entre eux n'ont pu être entendus.
Les manques de personnel et d'encadrement en cause
Cheveux courts et allure volontaire, Brigitte Bayon, révoquée depuis, a expliqué à la barre avoir agi pour le bien-être et la sécurité des pensionnaires. "On ne peut pas se permettre de laisser des résidents souillés ou mal installés car c'est source d'escarres", a-t-elle dit pour justifier le fait de les réveiller la nuit pour les changer "si besoin", en dépit des consignes.
"Ça me fait très mal car je n'ai jamais voulu les punir, c'était pour les protéger", a assuré l'aide-soignante, qui se dit aujourd'hui "détruite". Elle concède avoir "peut-être" dérapé en raison de la "fatigue et de la charge de travail", étant "seule la nuit" avec une auxiliaire de santé pour s'occuper de 82 résidents.
"Le manque de personnel peut [évidemment] favoriser ces situations", a commenté sur le plateau du Magazine de la santé Annie de Vivie, fondatrice du site AgeVillage.com. "Et ce qui va les favoriser d’autant plus est le manque de formation de ces salariés, qui sont visiblement complètement démunis par rapport aux comportements d’agitation, face aux refus de soins, face aux comportements dérangeants de patients."
Le manque d’encadrement, ainsi que le manque de vision de l’établissement sont également mis en cause par Annie de Vivie. "Si on s’indigne et si on est clair sur le « non-silence », logiquement, on doit pouvoir immédiatement repérer les situations de fragilité, d’incidents, et on doit immédiatement les signaler et les traiter. Si ce n’est pas fait, cela veut dire que l’on a un souci de vision dans la structure."
Être clair sur la qualité du "prendre soin"
Concernant les humiliations infligées aux résidents, Annie de Vivie explique que "n’importe qui peut devenir maltraitant sur quelqu’un qui est vulnérable et qui [l’]épuise, pour lequel [on] ne voit plus de sens à ce que [l’on] fait". "En revanche, si [l’aide-soignant] est dans un établissement où le médecin, le directeur, le cadre, est très clair sur la qualité du « prendre soin » qui est proposé, [on va] retrouver du sens à ce que l’on fait, on va être formé pour le faire, on va avoir les outils qui permettent de prendre soin des personnes fragilisées…" Bref, être entouré.
Les familles appellent de plus en plus le 3977 (le numéro national qui centralise les demandes relatives à ces maltraitances sur personnes âgées ou handicapées). Annie de Vivie appelle à ce que ces établissements soient plus ouverts. "On a, en France, des établissements qui vont vers la labellisation, par le label Humanitude, parce que l’on peut prendre soin des personnes, 24h/24, dans de bonnes conditions."
En 2008, Brigitte Bayon avait déjà fait l'objet d'une enquête administrative à la suite d'une dénonciation de maltraitances de la part d'une collègue, mais l'ARS avait conclu à des accusations infondées dans un contexte de "jalousie non avouée des équipes de nuit".
Au cours de ce nouveau procès, l’avocat de Brigitte Bayon a dénoncé les "excès" de ses accusatrices pour la faire passer pour "une femme cruelle et sadique".