Histoire de la médecine : Ambroise Paré, le père de la chirurgie moderne
Les premières tentatives pour "réparer" l'homme sont très anciennes. Mais Ambroise Paré est sans aucun doute le chirurgien le plus emblématique de cette aventure. À la Renaissance, sur les champs de bataille, il amputait plus vite que son ombre mais en grand humaniste, il fut aussi le premier à s'intéresser au remplacement des membres manquants.
En 1552, à Damvillers, dans la Meuse, nous sommes en plein conflit entre la France et l'Espagne. La forteresse est alors occupée par les troupes espagnoles. Aux pieds des remparts, des soldats français tentent d'ouvrir une brèche pour permettre le passage de leur armée.
Au milieu des soldats français, Ambroise Paré, un chirurgien de 42 ans, doit faire face à une arme nouvelle : l'arquebuse. Elle fait des ravages, avec des plaies complexes et dangereuses sur le plan infectieux. Le risque, c'est la gangrène. Comme c'est l'usage à l'époque, Ambroise Paré ampute à tour de bras. Sans anesthésie.
Alors que les saignements sont abondants, la priorité du chirurgien est d'arrêter absolument l'hémorragie. Pour cela, il applique la méthode qui se pratique à la Renaissance : la cautérisation. "Dès qu'on va amputer, on commence par faire chauffer les tisonniers dans le brûlot. On applique ensuite le fer rouge pour arrêter le saignement et pour cautériser la plaie", raconte le Pr Jean-Noël Fabiani, professeur d'histoire de la médecine.
Ambroise Paré, l'inventeur de la ligature
Mais la cautérisation a un inconvénient majeur : l'infection. "Le risque est que la croûte créée par la brûlure tombe en entraînant une hémorragie, une hémorragie secondaire qui devient dramatique. Et sous cette croûte peut se produire une infection et le pus vient se mettre au niveau de la zone d’amputation", précise le Pr Fabiani.
Résultat, les blessés amputés meurent quelques jours plus tard. Un terrible échec pour Ambroise Paré. C'est le blessé de trop qui le poussera à tenter autre chose. Il s'agit d'un blessé qu'on lui amène en urgence un soir, à Damvillers. Alors que la jambe du soldat est très abîmée après un tir d'arquebuse et nécessite une amputation, Ambroise Paré décide ce jour-là de ne pas cautériser la plaie.
Pour arrêter l'hémorragie, le chirurgien tente un geste qui va révolutionner la chirurgie moderne : "Ambroise Paré prend le crin du cheval de l'ambulance et il fait deux ligatures au niveau de l'artère fémorale de façon à l'empêcher de saigner", explique Jean-Noël Fabiani. Avec la ligature, il sauve de nombreux soldats mais tous ces amputés finissent par hanter les rues de Paris.
La vie de ces hommes mutilés, livrés à leur sort, bouleverse Ambroise Paré. Il se demande comment les aider. Il va alors réaliser ce que personne avant lui n'avait imaginé : une prothèse articulée de la main. Dans ce domaine, il fait des merveilles. Aujourd'hui encore, on peut admirer l'ingéniosité du chirurgien artisan.
Un chirurgien artisan
Avec des matériaux simples et beaucoup d'attention, Ambroise Paré aide le soldat de Damvillers à se remettre debout. Un premier pas hésitant, puis un deuxième tout seul… Le soldat marche ! Ambroise Paré va encore plus loin. Lorsqu'un nez ou une oreille a été tranché au combat, le chirurgien propose des prothèses pour le visage. En cuir, en corne, avec des courroies de maintien. Ambroise Paré restaure l'homme dans sa totalité.
Pour que chaque mutilé bénéficie d'une prothèse, le chirurgien partage ses secrets de fabrication. Dans ses ouvrages, ce fils de menuisier n'hésite pas à écrire dans un langage accessible à tous, et non pas en latin, comme le veut l'usage.
En 1554, deux ans après sa première ligature, Ambroise Paré devient chirurgien du roi Henri II. Et dans les années qui suivent, de ses trois successeurs sur le trône. Mais il n'abandonnera jamais ses soldats, ni ses gueux comme il les appelait. On murmure encore aujourd'hui qu'Ambroise Paré les soignait comme des Rois.