Sécu : enfin une nouvelle branche autonomie ?
L'Assemblée nationale a adopté le jeudi 23 juillet 2020 un texte qui pose le principe de la création d'une cinquième branche de la Sécurité sociale, dédiée à la prise en charge de la dépendance.
« En 2040, près de 15% des Français, soit 10,6 millions de personnes, auront 75 ans ou plus » rappelle le gouvernement. C’est pourquoi l'Assemblée nationale a adopté le jeudi 23 juillet 2020 un texte qui pose le principe de la création d'une cinquième branche de la Sécurité sociale, dédiée à la prise en charge de la perte d'autonomie.
Cette branche s'ajoute aux quatre branches existantes de la Sécurité Sociale :
- maladie
- retraite
- famille
- accidents du travail.
Une réforme du grand âge ?
C’est un tournant "historique" estime le gouvernement. Cette création était "attendue depuis longtemps, voilà même trois mandatures. Il faut s'en réjouir", avait notamment lancé la semaine dernière Brigitte Bourguignon, tout juste nommée ministre chargée de l'Autonomie.
Brigitte Bourguignon a défendu un texte qui "guidera pour longtemps le système de protection sociale", voyant dans la création de cette nouvelle branche, la "première pierre d'une grande réforme" du grand âge et de l'autonomie qu'elle aura "à coeur de porter".
Quel financement ?
Déjà promise -puis abandonnée- par Nicolas Sarkozy, à nouveau évoquée par Emmanuel Macron en juin 2018, la réforme de la dépendance est freinée par son coût.
De 30 milliards d'euros par an (dont 6 milliards reposant sur les ménages), les dépenses liées au grand âge pourraient augmenter de plus de 9 milliards d'ici 2030 à cause du papy-boom, selon le rapport Libault remis l'an dernier. Les modalités et la question cruciale du financement de cette nouvelle branche ont été renvoyées à un rapport qui doit être remis au Parlement avant le 15 septembre, après une concertation pilotée par Laurent Vachey, inspecteur général des finances.
Il a été chargé "d'identifier des sources de financement à mobiliser dès 2021". Le projet de loi prévoit une augmentation du financement de la perte d'autonomie de 2,3 milliards d'euros par an, seulement à partir de 2024.
La ministre chargée de l'Autonomie Brigitte Bourguignon a rappelé que l'objectif est de dégager "au moins un milliard d'euros dès 2021".
"Décision historique" ou simple "effet d’annonce" ?
Plusieurs élus de la majorité ont vanté dans la foulée une décision "historique" avec la création de cette cinquième branche, Cyrille Isaac-Sibille (MoDem) brandissant symboliquement une pierre blanche ramassée "dans les jardins de l'Assemblée".
Pourtant, dans l'opposition les critiques sont nombreuses.
Faute de financement et de précisions, la cinquième branche de la Sécu est une "coquille vide", aux yeux du communiste Pierre Dharréville. "Ce n'est qu'une annonce. Il serait excessif de dire que votre loi est la nuit du 4-Août que vous annoncez à chacune de vos réformes", a aussi ironisé le socialiste Boris Vallaud.
Quid du handicap ?
Cette réforme "ne peut plus attendre et doit intégrer non seulement la question du grand âge, mais aussi celle du handicap", a également souligné la "marcheuse" Stella Dupont.
Les oppositions ont estimé, à l'instar de Jean-Pierre Door (LR), dont le groupe compte s'abstenir, que "ni les contours ni le financement" de la cinquième branche ne sont clairs. C'est une "mauvaise plaisanterie" a jugé Jean-Christophe Lagarde (UDI), tout en annonçant un vote majoritairement favorable en raison de l'autre volet du texte.
De "l'argent magique" !
Le communiste Pierre Dharréville y a vu une "opération publicitaire", pointant une nouvelle branche "dépourvue de sève et de feuilles", tandis que Caroline Fiat (LFI) a dénoncé une "diversion".
Gouvernement et la majorité se voient reprocher d'avoir "mis la charrue avant les boeufs" (Libertés et Territoires) avec "un loup" sur le financement (PS).
C'est une "jolie étiquette sur un pot sans confiture", a abondé Pierre Dharréville (PCF) tandis que François Ruffin (LFI) a raillé un risque vieillesse lancé "sans un rond", ajoutant : "C'est pas de l'argent magique, ça?".
Le projet de loi sur l'autonomie doit être voté au Sénat mercredi 29 juillet 2020, après un désaccord entre les deux chambres à l'issue de la première lecture. L’Assemblée nationale procédera au vote ultime jeudi 30 juillet 2020.