Don d'organes: retour sur la première greffe de rein. Paris, 1952.
A l'occasion de la campagne nationale pour la greffe de rein, retour sur la première greffe rénale avec donneur vivant. Réalisée en 1952, à l'hôpital Necker à Paris par Jean Hamburger, cette opération incroyable a ouvert de nouvelles perspectives pour des malades jusqu'ici condamnés.
Décembre 1952. Une ambulance traverse le village de Berthecourt (Oise), près de Beauvais. Un jeune apprenti, Marius Renard, vient d'avoir un accident. En tombant d'un échafaudage, il se rompt un rein. Il est alors conduit à l'hôpital le plus proche.
En raison du risque d'hémorragie interne, le rein de Marius est retiré. Mais le lendemain de l'intervention, le jeune homme n'urine plus. Cette absence d'urine déconcerte les médecins, qui finissent par comprendre, effarés, que Marius est né avec un seul rein. En désespoir de cause, Marius est envoyé à Paris, à l'hôpital Necker. L'établissement est déjà connu comme étant un haut lieu pour le traitement des maladies des reins.
L'étrange Noël du Pr Hamburger
Le professeur Jean Hamburger a 43 ans. Ce spécialiste des maladies rénales est un médecin brillant, à la fois craint et respecté, chef de service à l'hôpital Necker depuis seulement un an. Pour lui, le cas du petit Marius est sans espoir : en l'absence de rein, comment survivre ? Sans détour, il expose la situation à Gilberte Renard, la mère de Marius. Gilberte est anéantie. Impossible d'admettre le sort que l'on prédit à son fils. Dans un élan de désespoir, elle supplie le professeur Hamburger de tenter l'impensable : greffer à son fils un de ses reins.
Greffer un rein. Techniquement, le geste est possible et Hamburger le sait. Car l'aventure de la transplantation a démarré cinquante ans plus tôt, en 1906. Le chirurgien lyonnais Mathieu Jaboulay greffe alors le rein d'une chèvre au pli du coude d'une patiente en insuffisance rénale. En 1933, un Ukrainien, Yuri Voronoy, prélève, lui, un rein sur un cadavre humain, pour le greffer à la cuisse d'une jeune femme. Les tentatives se poursuivent aux Etats-Unis et en France, où les chirurgiens vont même jusqu'à prendre les reins de condamnés fraîchement guillotinés.
Mais tous ces essais se soldent par des échecs. Si la technique de greffe est désormais au point, l'organe, lui, finit toujours par être rejeté. Mais cette fois, les choses s'annoncent différentes. Pour le Pr Hamburger, la proximité génétique entre la mère et son fils peut être déterminante. Reste alors un obstacle : comment oser prendre un organe à une personne vivante pour le greffer à une autre ? En 1952, ce geste serait considéré comme une transgression.
Il faudra 24 heures à Jean Hamburger pour prendre une décision. Le 25 décembre, jour de Noël, la greffe a lieu. Le professeur de médecine a convoqué au bloc ses meilleurs chirurgiens. Dès le lendemain de l'intervention, l'état de Marius est jugé encourageant.
Un tournant dans l'histoire de la greffe
Très vite, le succès de l'intervention fuite et la presse s'empare de ce merveilleux conte de Noël. Erigés en héros nationaux, Marius et sa mère bouleversent la France entière. Le Pr Hamburger, lui, reste en retrait car il sait que le risque de rejet existe et qu'il peut se produire à tout moment.
Ce que craint le professeur survient au 21ème jour : le rein greffé cesse brusquement de fonctionner. Jour après jour, les Français suivent avec angoisse dans la presse le bulletin de santé de Marius. Le jeune homme connaît une lente et terrible agonie. Il décèdera rapidement dans un tableau d'insuffisance rénale terminale.
Pour le professeur Hamburger, la mort de Marius est un terrible revers. Pendant de longues années, la question du rejet reste l'entrave majeure à la réussite d'une greffe. Jean Hamburger, lui, fera de cette recherche médicale le combat de sa vie.