Handicap : des personnalités interpellent les candidats à la présidentielle
À l'initiative de Philippe Croizon, l'aventurier amputé des quatre membres, une quinzaine de personnalités signent une lettre ouverte pour interpeller les candidats à la présidentielle. Ils veulent faire du handicap "un objet électoral et un sujet de société". Les explications de Philippe Croizon.
- Pourquoi avoir lancé cet appel à quelques semaines du premier tour de la présidentielle ?
P. Croizon : "Avec toutes ces personnalités, on a regardé les débats pour la primaire de droite et de gauche. Pas un mot sur le handicap. On a écouté les discours de tous les candidats. Quand un discours dure une heure ou une heure et demie, il y a une seconde voire dix secondes sur le handicap. Et là, on n'a dit : c'est pas possible ! Ce collectif s'est créé en une semaine, juste par quelques appels téléphoniques. Tout le monde était d'accord pour dire qu'il fallait faire quelque chose. Toutes les associations ont lancé des appels, écrit des lettres… Sans aucune réponse. On s'est dit qu'il faut créer un collectif pour que le handicap devienne un débat public."
- Le taux de chômage des personnes handicapées atteint 20%, deux fois plus que la moyenne nationale. Comment améliorer l'accès à l'emploi ?
P. Croizon : "Ça me paraît humain. Toute personne normalement constituée veut vivre du fruit de son travail, ne veut pas être dépendante de la société… Pendant des décennies, on a créé des personnes handicapées dépendantes de la société avec une allocation misérable de 808 euros par mois. Le seuil de pauvreté est à 1.008 euros. Donc, avec cette allocation, on est à 200 euros en dessous du seuil de pauvreté. C'est juste inadmissible. L'accès à l'emploi, la formation est une priorité. Effectivement, beaucoup d’entreprises jouent le jeu grâce à la loi de 2005 mais il y en a encore de nombreuses qui ne sont pas informées ou qui ont peur… Il y a un manque d’informations et un manque de formation."
- Un des moyens de lutter contre le chômage, c'est d'améliorer l'accès à l'école. Quels sont les problèmes qui se posent actuellement ?
P. Croizon : "C’est un de mes sujets fétiches. Encore aujourd’hui, il manque au moins 50% d’auxiliaires de vie scolaire. Ça veut dire qu’aujourd’hui on va dire à 50% d’enfants : « Non, tu ne peux pas aller à l’école de la République parce qu’on n’a pas 800 euros par mois pour toi à donner à une auxiliaire de vie. Mais rassure-toi mon petit, tu ne vas pas aller à bac+3, bac+5, tu seras en échec scolaire. Donc, l’Etat te donnera 800 euros par mois à vie ». Il n’y a pas un problème de calcul ? C’est pour ça qu’on a créé ce collectif."
- Depuis le 1er janvier 2015, tous les établissements recevant du public devraient être accessibles aux personnes en situation de handicap. Pourquoi cette obligation n’est-elle pas respectée ?
P. Croizon : "On en est encore très loin. Et, ça a encore été reporté de neuf ans pour les transports, de trois ans par exemple chez les médecins ou les pharmaciens. Cette loi existe mais elle a été bafouée. Tout le monde l’a regardée de loin sans mettre d’action réelle sur le terrain pour la faire comprendre et la mettre en action."
- Pourquoi le handicap n'intéresse pas les politiques ?
P. Croizon : "Ils ne se sentent pas concernés. Il faut être honnête : le handicap coûte cher. C’est ce qu’ils vont dire. Ils ont des programmes extraordinaires de plusieurs milliards d’euros pour sauver la France. Et si on ajoute encore un sujet comme le handicap… Mais si on réfléchit bien, il y a beaucoup de solutions pour arriver à faire des économies et faire en sorte que la personne en situation de handicap fasse vraiment partie de la société. On veut l’égalité avec pourquoi pas un Grenelle du handicap pour toute remettre à plat."