Greffe de testicules de singe : la cure de jouvence du Dr Voronoff
Comment accéder à l'éternelle jeunesse ? Au fil de l'histoire, nombreux sont les médecins à s'être penchés sur la question. Et à ce sujet, certains n'ont pas manqué de créativité. L'histoire de la médecine regorge en effet d'expériences plus ou moins heureuses et farfelues pour défier Dame Nature. Pour rajeunir les hommes sur le déclin, le Dr Voronoff eut l'idée de leur greffer… des testicules de singe.
Souvent raillée et parfois encensée… dans les années 1930, en France, la cure de jouvence du Dr Voronoff fait couler beaucoup d'encre. Et il y a de quoi. Ce chirurgien d'origine russe aurait imaginé une greffe capable de rajeunir la gent masculine.
Pour redonner la vigueur intellectuelle et physique aux hommes d'âge mur, sa méthode miracle est la greffe de testicules du singe à l'homme. "Quand on réalisait une opération, il fallait que le singe et que l'homme soient opérés en même temps. On sortait le singe de sa cage et on commençait à disséquer son testicule, et on le découpait en petits morceaux", explique Jean-Louis Fischer, chercheur en embryologie.
D'à peine quelques centimètres, les lamelles de pulpe testiculaire étaient ensuite insérées dans le scrotum du patient. Le greffon est ensuite cousu et les bourses refermées. Une technique très documentée qui aujourd'hui fait sourire les spécialistes comme le Pr François Desgrandchamps, urologue : "Ce que faisait Voronoff est biologiquement impossible. C'est impossible que la pulpe testiculaire non vascularisée, sans apport sanguin, puisse vivre. Deuxièmement, il s'agit de tissus étrangers qui sont rejetés immédiatement par le corps humain. Donc biologiquement parlant, l'opération de Voronoff est forcément un échec donc une supercherie".
À l'époque déjà, l'opération du Dr Voronoff est vivement critiquée par la communauté scientifique. Mais le chirurgien n'a rien d'un escroc, il croit en sa méthode. Et elle a beau être empirique, elle donne d'excellents résultats. "Apparemment d'après les statistiques qu'il a fournies, la plupart des hommes greffés reprennent une activité physique, même sexuelle", souligne Jean-Louis Fischer.
Le Pr Desgrandchamps reste toutefois sceptique face à ces résultats : "On sait que pour les dysfonctions érectiles, les baisses de forme… il y a beaucoup d'autres facteurs dont beaucoup de facteurs psychologiques. Et la greffe de testicules est symbolique, fantasmatique et encore actuellement souvent citée ou rêvée pour aller mieux".
Mais médicalement parlant, Voronoff est en phase avec son temps. À l'époque, les médecins découvrent tout juste le rôle des hormones et il est très courant d'utiliser des extraits d'organe y compris d'animaux pour soigner les malades comme le confirme le Pr Desgrandchamps : "En 1914, à l'époque où Voronoff exerçait, quand on regarde le Vidal qui est le dictionnaire des médicaments, la plus grosse partie des médicaments disponibles à l'époque étaient issus de l'opothérapie, c'est-à-dire le fait de broyer des organes pour en extraire la substance que l'on pensait active et soigner les malades".
De 1920 à 1939, environ 500 hommes s'essaient à la méthode Voronoff. Mais la Seconde Guerre mondiale met un frein à la carrière du chirurgien d'origine juive. Les avancées scientifiques finissent par avoir raison de ces découvertes qui sombrent définitivement dans l'oubli.