"Si on accepte de rembourser l’homéopathie, il faudrait accepter de rembourser la prière !"
La HAS a rendu son avis qui préconise de dérembourser l’homéopathie. Le Pr Alain Astier, chef du service de pharmacie à l'hôpital Henri-Mondor à Créteil, répond à nos questions sur ce sujet.
- L'avis de la Haute Autorité de santé (HAS) vous surprend-elle ?
Pr Alain Astier : Absolument pas. Il s’agit d’un avis scientifiquement basé, objectif, qui est la réalité : l’homéopathie ne correspond à rien de scientifiquement prouvé. Comme tous les traitements classiques, l’homéopathie a un effet placebo ou nocebo, c’est admis. Mais d’un point de vue scientifique, aucune activité pharmacologique n’a été prouvée par la science. Les académies de pharmacie, de médecine et des sciences s’accordent d’ailleurs sur le fait qu’il faut arrêter de dire que l’homéopathie est un médicament car elle ne contient pas de substances possédant une activité démontrée par un processus scientifique.
Tous les médicaments ne sont pas efficaces mais ils ont tous une autorisation de mise sur le marché, ce qui n’est pas le cas de l’homéopathie et dans ces conditions ce n’est pas un médicament. Il s’agit au mieux d’une alternative, comme l’apposition des mains, la croyance, la prière ou la prise en charge psychologique. Ce n’est pas négatif mais ce n’est pas un médicament. Et en terme de remboursement, la collectivité n’a pas à rembourser quelque chose qui n’est pas un médicament, surtout qu’il s’agit d’une dépense non négligeable d’environ 130 millions d’euros. Si on accepte de rembourser l’homéopathie, il faut alors accepter de rembourser la prière, car on est dans la même notion de croyance.
J’ose maintenant espérer que la ministre de la santé Agnès Buzyn aura le courage de décider le déremboursement et ne cédera pas aux lobbys. Ce serait sinon un parjure de sa part et elle foulerait des pieds l’avis de la HAS pris à la quasi unanimité.
- Pourquoi les homéopathes dénoncent-ils une expertise qui ne prend pas en compte la « spécificité » de l’homéopathie ?
Pr Alain Astier : Parce qu’il ne peuvent rien prouver. Tous les essais qui ont été menés n’ont montré aucune différence d’efficacité entre l’homéopathie et un placebo. Mais une méthode spéciale n’y changera rien : est-ce qu’on a méthode pour prouver l’existence de Dieu ?
On ne peut pas démontrer une croyance comme s’il s’agissait d’un fait scientifiquement prouvé. Dire que chaque patient est "différent" et qu’il existe une "spécificité" ne permettra pas de démontrer quoi que ce soit.
- Quelles seraient les conséquences d’un déremboursement de l’homéopathie ?
Pr Alain Astier : Concernant le déremboursement, un des arguments des défenseurs de l’homéopathie est que les gens vont se reporter sur d’autres médicaments plus coûteux. Les exemples à l’étranger dans les pays qui ont déjà déremboursé l’homéopathie montrent que ce n’est pas le cas.
La plupart du temps, les adeptes de l’homéopathie continuent à en prendre en payant de leur poche, comme pour les compléments alimentaires. D’autant que les consommateurs d’homéopathie ne sont pas des moindres consommateurs de médicaments. Et dès qu’ils payent, on observe que le produit devient comme par hasard moins efficace à leurs yeux... c’est un comportement humain classique.
- A l’inverse, quels risques encourait-on à maintenir son remboursement ?
Pr Alain Astier : Maintenant que la HAS a rendu son avis, si la ministre décidait de quand même maintenir le déremboursement, elle décrédibiliserait totalement la HAS et offrirait une victoire au charlatanisme. En effet, une telle décision donnerait un crédit supplémentaire à l’homéopathie, en augmenterait sa consommation et donc le risque de pertes de chance pour les patients. Car le fond du problème est que les gens qui prennent de l’homéopathie ne se soignent pas forcément de façon correcte. Un exemple typique de cette escroquerie est celui de l’Oscillococcinum utilisé contre la grippe à la place de la vaccination.
Le déremboursement pourrait justement lutter contre cette perte de chance en ôtant le crédit attribué à tort à l’homéopathie.