Industriels-hôpitaux : les liaisons dangereuses ?
Depuis quelques mois, le géant des implants médicaux, Medtronic, a noué des partenariats avec une dizaine d'établissements de santé en France. L'industriel investit dans du matériel de pointe, comme des salles d'imagerie médicale. Mais les contreparties demandées aux établissements posent question, surtout depuis le scandale des "Implant files".
C'est un concentré de hautes technologies. Dans une salle d'opération de l'hôpital Marie Lannelongue, au Plessis-Robinson dans les Hauts-de-Seine, on trouve un équipement d'imagerie de pointe et tout le nécessaire à un bloc opératoire. Ici, on pose des TAVI, des valves cardiaques, à des patients trop fragiles pour être opérés à coeur ouvert. Le Dr Saïd Ghostine, cardiologue, explique : "Ca allie à la fois la sécurité pour le patient, l'hygiène, l'asepsie d'un bloc opératoire et une qualité d'image parfaite pour la salle de cathétérisme".
Coût de la salle : plus de deux millions d'euros. Mais l'hôpital n'a pas déboursé un centime lors de la construction. Il n'a même pas suivi les travaux. C'est Medtronic, le géant mondial des technologies médicales, qui s'est occupé de tout. En échange, l'hôpital verse une somme à l'industriel à chaque intervention. Et il s'engage à ce que 60% des valves implantées soient des Medtronic. Sinon, l'établissement doit payer des pénalités. Un contrat qui ne change rien à sa pratique selon le Dr Ghostine. "C'est toujours l'intérêt du patient qui prime. On adapte nos choix de valves en fonction de l'anatomie, en fonction du degré de calcification, en fonction de la structure de l'anneau... Et on choisit toujours le mieux pour le patient".
Jusqu'ici, l'hôpital a toujours atteint les objectifs fixés par Medtronic. Pour son directeur, Jean-Michel Malbrancq, le partenariat avec un industriel est un bon choix économique. "Aujourd'hui, dans la plupart des entreprises qui ont des photocopieurs, qui ont des machines à imprimer, les gens n'achètent plus les photocopieurs", explique-t-il. "Ils payent à l'utilisation. On a acheté un service plutôt que d'acheter un équipement. Il faut bien faire attention, la façon dont on structure le contrat, dont on va le mener. Mais pour moi, ce n'est pas choquant".
Ces contrats, mis en place depuis quelques années seulement, sont tout à fait légaux. Mais ils suscitent des réserves chez les représentants de patients. Selon Alain-Michel Ceretti, président de France Assos Santé, "à la question, est-ce qu'il y a des possibilités de dérives et donc de passer du lien au conflit d'intérêts, la réponse est évidemment oui ! On ne peut pas ne pas se poser la question de savoir si « alors que j'ai été pris en charge dans cet établissement et que j'ai bénéficié de ce type de chirurgie, si ce qui a guidé le choix du médecin, c'est le contrat qui le lie lui et son établissement à l'industriel ou si c'est mon intérêt»". France Assos Santé réclame un enquête de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le sujet.