"L'hôpital est en situation de burn-out"
Comment sauver l'hôpital public ? La Fédération Hospitalière de France publiera ce vendredi 3 février une plateforme de propositions destinée aux candidats à l'élection présidentielle. Frédéric Valletoux, président de la FHF répond aux questions du Magazine de la Santé en avant-première.
La FHF, la Fédération Hospitalière de France, qui réunit la plupart des établissements publics de santé présentera vendredi 3 février ses propositions pour un système de soins plus juste, plus accessible, et plus innovant.
- Entre les coupes budgétaires, le manque de personnel et les conditions de travail de plus en plus difficiles, l’hôpital public semble délaissé. A-t-il été sacrifié par nos gouvernements successifs ?
Frédéric Valletoux, président de la FHF : "Beaucoup de réformes ont été évitées. On a demandé à l’hôpital de lourdes économies ces dernières années sans faire les réformes de fond qui auraient permis de les supporter. Trois milliards d’euros ont été économisés ces dernières années mais on n’a pas revu le financement de l’hôpital, ni ce qui se passe autour de l’hôpital. Car l’hôpital n’est qu’un moment de la prise en charge. Il y a la médecine de ville et ses dérèglements, les déserts médicaux... C’est un vrai sujet. Les gens vont de plus en plus à l’hôpital. Et l’hôpital n’est pas organisé pour être un lieu de prise en charge de premier recours. L’hôpital est en situation de burn-out."
- Vous publiez douze orientations politiques à l'attention des candidats à la présidentielle. Votre priorité, c’est la mission de service public. Elle ne doit pas uniquement être assumée par l’hôpital, mais par tous ceux qui reçoivent de l'argent public… À qui pensez-vous ?
Frédéric Valletoux, président de la FHF : "Je pense à tous les professionnels de santé. Aujourd’hui il y a de moins en moins d’argent dans le système et on sait que les besoins de santé vont être de plus en plus importants, à cause du vieillissement de la population, des maladies chroniques, etc. Tous les professionnels de santé doivent faire des efforts. Il y a des statuts différents qui cohabitent, ce qui rend parfois les choses compliquées : des médecins libéraux, des généralistes, des spécialistes… Il faut rendre les choses plus fluides. On doit aussi concentrer l’argent public sur les missions de service public, et renvoyer au financement privé, mutualiste, des choses qui ne sont pas considérées comme l’intérêt général. Peu importe que ce soient des privés ou des libéraux qui réalisent les actes. Ce n’est pas le sujet. La vraie question c’est : où doit aller l’argent public que l’on consacre à la santé des Français ?"
- Mais que faire de la tarification à l’acte qui a provoqué des dérives, puisque les médecins sont incités à limiter certaines activités jugées peu rentables, mais essentielles pour les patients… Que proposez-vous pour faire évoluer cette situation ?
Frédéric Valletoux, président de la FHF: "A l’hôpital, on prend tout le monde en charge. Les calculs consistant à dire : il faut encourager tel ou tel acte, ça peut arriver, mais c’est marginal. Pas un patient qui vient à l’hôpital n’est pas pris en charge, quelle que soit sa pathologie. Ce qui n’est peut-être pas toujours le cas dans le système privé. Les cliniques notamment. Elles se concentrent sur les actes les plus rentables parce qu’elles sont dans des calculs économiques et on peut le comprendre, c’est leur logique. La question c’est : est-ce à l’assurance maladie de participer à cette course en avant ? Je ne le crois pas."
- Ces dernières semaines, les infirmières étaient dans la rue, on lit beaucoup d’articles sur l’épuisement des soignants, pendant l’épidémie de grippe par exemple… Mais il s’agit d’un problème de fond. Quelles sont vos propositions pour améliorer le bien-être des soignants ?
Frédéric Valletoux, président de la FHF: "On assiste à une situation de quasi désespérance dans les établissements hospitaliers. Depuis un an, je vais dans tous les types d’hôpitaux : les grands, les petits, en milieu rural, etc… et les professionnels racontent tous la même histoire. Celle d’une fatigue immense, d’un épuisement, et surtout d’une quête de sens. A quoi sert-on ? On a fait de l’hôpital la variable d’ajustement des dysfonctionnements du système. Vous citez la grippe et c’est vrai, tous ces gens qui arrivent aux urgences ils viennent pour quoi ? Parce qu’ils ont confiance en l’hôpital, et ça c’est une très bonne chose, mais aussi parce qu’ils ont du mal à trouver des médecins de ville.
"Il faut également redonner de l’oxygène à l’hôpital. Il y a trop de bureaucratie. Trop d’administration. Nous faisons confiance aux hospitaliers pour organiser eux-mêmes se dont ils ont besoin. Leurs conditions de travail par exemple. Sortons de ce schéma uniforme où l’on veut que des règles uniformes s’appliquent dans un CHU parisien ou d’un centre hospitalier au fin fond d’un territoire rural. Il faut donner plus de souplesse à notre système."
- C’est tout de même aussi une question de moyens, le personnel est en sous-effectif…
"Un tiers des actes sont inutiles. Si on régulait mieux les dépenses de santé, on aurait des gisements d’économie. C’est l’OCDE qui l’a dit il y a quelques semaines. Trente milliards d’euros sont à économiser sur notre système de santé. Et pas uniquement à l’hôpital. Trente milliards d’euros nous permettraient déjà de réinjecter de l’argent où on en a besoin. On a sans doute fermé trop de lits. On l’a vu pendant l’épidémie de grippe, on ne sait plus où mettre les gens qui arrivent. Il faut arrêter cette course à l’économie pour l’économie."