La députée et le fraudeur
Auteur d'une étude truquée dont les conclusions – un lien imaginaire entre le vaccin ROR et une nouvelle forme d'autisme – étaient écrites à l'avance, Andrew Wakefield a été reconnu coupable de fraude, de mensonge et de mise en danger de la vie de ses patients. Interdit d'exercice à vie au Royaume-Uni, il se voit offrir à Bruxelles la plus complaisante des tribunes par la députée Michèle Rivasi.
Créer des données de toutes pièces, inventer une maladie dans l’espoir d’attaquer en justice les pouvoirs publics puis de commercialiser des tests bidons : un bien beau curriculum que celui d’Andrew Wakefield, radié du registre des médecins de Grande-Bretagne après une fraude massive mettant en scène un lien de cause à effet entre vaccination et autisme.
L’escroquerie dévoilée, son auteur s’est trouvé de nouveaux amis, parmi lesquels la députée Michèle Rivasi. L’ancienne candidate à la primaire écologiste a invité le fraudeur à projeter un documentaire à sa gloire au Parlement (à Bruxelles, où se réunissent les commissions), en compagnie d’un panel d’activistes "anti-vaccination". Passée de la légitime dénonciation des lobbies industriels à la promotion des lobbies du complotisme anti-scientifique, Rivasi ne dissimule plus son mépris souverain des faits.
Une fraude avérée
L’affaire Wakefield est celle d’une arnaque de grande envergure, dont les séquelles sur nos sociétés sont encore profondes. Il est à l’origine d’une étude publiée en 1998 dans la revue The Lancet, dans laquelle il affirme avoir identifié un lien direct entre l’administration du vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) et une nouvelle forme d'autisme caractérisée par régression comportementale rapide, troubles développementaux et une pathologie digestive associée. Les travaux sont présentés comme reposant sur l’observation de douze patients (sans comparaison avec un groupe "témoin"). Les associations militant pour la liberté de choix sur la vaccination se saisissent de cette publication, sans bien sûr attendre que ces résultats soient corroborés.
Diverses équipes d'épidémiologistes s’attèlent au dossier, mais échouent à identifier le moindre phénomène. Les parents d’un des patients découvrent bientôt que les symptômes présentés dans l’étude comme ceux de son enfant ont été créés de toute pièce par Wakefield. En 2004, le journaliste d'investigation Brian Deer, du quotidienThe Times, débutera une longue investigation qui démontrera que l’étude avait été secrètement commanditée par des avocats, désireux de fédérer des plaintes de parents d’enfants autistes auxquels ils offraient un merveilleux bouc émissaire.
En 2010, une série d’articles signés par Brian Deer dans le British Medical Journal poursuit la mise au jour les différentes ficelles de la fraude. Le BMC (British Médical Council, l'équivalent de l'Ordre des Médecins outre-Manche) vient confirmer les révélations, et raye définitivement Wakefield de ses registres pour "mise en danger des patients" et "violation de l’éthique médicale". La revue The Lancet rétracte, finalement, l'article frauduleux.
L’année d’après, il est révélé que Wakefield planifiait la création d’un test destiné à diagnostiquer sa maladie imaginaire, afin d’amasser les dividendes de la fraude.
Escroquerie, paranoïa et démagogie font bon ménage
La communauté scientifique et médicale – et, outre-Manche, les associations de parents d’enfants autistes – n’ont plus aucun doute sur le caractère totalement frauduleux et non-reproductible des écrits "scientifiques" de Wakefield sur la vaccination et l’autisme.
Quand toutes les preuves vous accablent, il ne vous reste plus qu’à crier au complot et à l’omerta, dans l’espoir de fédérer ceux qui, désespérément, ont besoin d’attribuer leurs souffrances à des causes supérieures, malveillantes et occultes. Exilé aux États-Unis, Wakefield affirme que si personne n’a pu reproduire son étude, c’est bien évidemment que tous les chercheurs du monde entier conspirent contre lui. Il a mis ce récit en film, film qui devait être projeté] ce 9 février en séance spéciale dans les locaux du Parlement européen sur l’initiative de Michèle Rivasi (voir illustration). [La séance au Parlement a finalement été annulée, remplacée par une seconde séance dans un espace privé, toujours dans la capitale belge]
Cette annonce a effaré de nombreux observateurs en Europe – le journal The Times fut l’un des premiers, fin janvier, à attirer l’attention sur l’affaire. Que le mensonge et la manipulation soient ainsi célébrés à Bruxelles par un parlementaire a, au moins, le mérite de faire tomber le masque de sa démagogie.