Le gouvernement cède-t-il à l'industrie pharmaceutique ?
Edouard Philippe a dévoilé des mesures pour simplifier les délais administratifs pour autoriser de nouveaux médicaments. Cette initiative a été largement saluée par le syndicat de l'industrie pharmaceutique, le LEEM. Le Pr Alain Astier, pharmacien, réagit.
- Une réunion s'est tenue ce mardi 10 juillet 2018 entre l'industrie pharmaceutique et le Premier ministre Edouard Philippe lors du Comité stratégique des industries de santé. À cette occasion, il y a notamment dévoilé des mesures pour simplifier les délais administratifs pour autoriser de nouveaux médicaments. Une initiative largement saluée par le syndicat de l'industrie pharmaceutique (LEEM). Qu'en pensez-vous ?
Pr Alain Astier, pharmacien : "Le lobby de l'industrie du médicament a fonctionné. Le LEEM a réussi à faire passer plusieurs idées qu'il martèle depuis de nombreuses années. La première est la notion d’innovation qui serait peu accessible aux patients. "Il faut accélérer l'accès à l'innovation", dit-il. D'abord, toute innovation n'est pas un progrès, loin s'en faut. De plus, la France est l'un des pays dans lequel l'accès aux nouveaux médicaments est le plus facile, avec le système des autorisations temporaires d'utilisation (ATU), qui permettent à un médicament qui n'a pas encore obtenu d'autorisation de mise sur le marché (AMM) d'être utilisé et remboursé."
- Et il y a aussi des mesures pour accroître l'attractivité de la France pour les essais cliniques ?
Pr Alain Astier : "Encore une contre vérité ! La France reste un des pays les plus attractifs pour les essais cliniques, notamment en cancérologie, et ce de l'aveu même du LEEM. Les essais cliniques, c'est un marché très juteux, et les pays se font une concurrence féroce en cassant les prix. Le problème, c'est la qualité et la protection des personnes se prêtant à ces essais. La sécurité et la qualité se paient."
- Et la recherche ?
Pr Alain Astier : "Le fait que la recherche se délocalise, c'est plus du fait de la stratégie industrielle des groupes multinationaux que des pouvoirs publics. Quand on sait que le plus grand groupe pharmaceutique français aura versé près de 75% de ses bénéfices réalisés en 2017 (6,6 milliards sur 8,4, soit près de 80%) en dividendes à ses actionnaires et en même temps, réduit drastiquement sa recherche en France et laisse certaines de ses usines en France se délabrer, faut-il encore que la collectivité contribue ?
"Et de plus en plus, les industries du médicament s'appuient sur la recherche publique, donc payée par l'Etat. Ce qui est beaucoup moins coûteux pour eux que d'entretenir des centres de recherche propres. Ce qui ne les empêche pas de proposer leurs nouveaux médicaments à des prix astronomiques (50.000, 100.000 voire 400.000 euros le traitement) !"