Essai thérapeutique Biotrial : de nombreuses questions après le décès d'un participant
"Le patient en état de mort cérébrale [suite à sa participation à un essai clinique d'un nouveau médicament] est décédé en milieu de journée au CHU de Rennes", a annoncé ce 17 janvier le Centre hospitalier universitaire, dans un communiqué. L'hopital précise que "l'état de santé des cinq autres patients hospitalisés rest[ait] stable".
Parmi les cinq patients encore hospitalisés, quatre présentent des troubles neurologiques de gravité différente. "On ne peut pas faire aujourd'hui un diagnostic définitif", avait expliqué le 15 janvier le professeur Pierre-Gilles Edan, médecin-chef du pôle de neurosciences du CHU, précisant qu'aucun de ces quatre patients n'était dans le coma.
Le cinquième patient ne présente pas de symptômes, mais a été placé sous surveillance. En effet, il a reçu depuis le début de l'essai, le 7 janvier, la même dose du médicament que les cinq autres, une dose supérieure à celle absorbée par les 84 autres volontaires participant à ce test. Ce groupe de six patients était uniquement composé d'hommes, âgés de 28 à 49 ans et originaires de l'ouest de la France.
Le patient décédé est le premier à avoir été hospitalisé dimanche 10 janvier. Le lendemain, son état de santé s'était dégradé brutalement. Les autres patients ont été admis à l’hôpital entre le 10 et le 13 janvier.
Parmi les "84 autres personnes volontaires ayant été exposées au médicament de l’essai", toutes contactées suite à cet accident thérapeutique, dix "ont été reçues en consultation" samedi après-midi au CHU, selon l'hôpital. "Les anomalies cliniques et radiologiques présentes chez les patients hospitalisés n’ont pas été retrouvées chez ces 10 volontaires", souligne l’établissement.
Trois enquêtes en cours
Trois enquêtes sont actuellement en cours pour tenter de comprendre les raisons de cet accident.
Le ministère de la Santé a saisi l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) afin de mener une inspection notamment sur les conditions d’intervention du laboratoire Biotrial dans la réalisation de l'essai clinique.
Par ailleurs, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a entamé dès vendredi sur place une "procédure d'inspection technique" du laboratoire.
Sur le plan judiciaire, une enquête de flagrance a été ouverte pour "blessures involontaires supérieures à trois mois" au pôle santé du parquet de Paris, a indiqué ce dernier.
Le ministère alerté tardivement
Mme Touraine a confirmé qu'elle avait été informée de l'accident le 14 janvier alors que le premier volontaire avait été hospitalisé en urgence le dimanche précédent. "Une alerte plus rapide aurait été appréciée", a-t-elle déclaré. "Face à un événement aussi grave on attendait du laboratoire qu'il se manifeste plus rapidement auprès des autorités sanitaires", a-t-elle insisté.
Mme Touraine a demandé par ailleurs que "toute la solidarité nationale puisse jouer" en faveur des victimes et que le laboratoire dans lequel a été réalisé l'essai clinique "s'engage lui aussi directement, ou à travers ses assureurs, et que des avances financières puissent être apportées à ces personnes".
Bial et Biotrial présentent leurs condoléances aux proches de la victime
François Peaucelle, directeur général de Biotrial, le centre de recherche médicale qui menait cet essai, a adressé, peu après l'annonce de ce décès, ses condoléances aux proches de la victime. "Nous mettons tout en œuvre, avec les autorités sanitaires, pour comprendre cette situation et les origines de cet accident", a-t-il assuré aux journalistes présents.
Dans un communiqué, le laboratoire a par ailleurs annoncé sa décision de "proposer, en relation avec la communauté scientifique internationale, le cas échéant, des évolutions des standards encadrant ces essais". Il va également créer "immédiatement un comité scientifique de référence afin de rechercher l'origine de cet accident".
De son côté, le président exécutif du groupe pharmaceutique portugais Bial, Antonio Portela, commanditaire de cet essai, s'est dit "profondément choqué" par ce décès et a présenté ses "profondes condoléances à la famille du volontaire".
Des équipes de Bial en France et au Portugal "travaillent inlassablement pour comprendre les causes de cet accident tragique" et "pour assurer que les autres volontaires hospitalisés puissent récupérer totalement", a déclaré M. Portela à l'agence portugaise Lusa.
Biotrial réalise des tests cliniques, qui se déroulent dans ses locaux situés près du CHU, pour le compte de laboratoires pharmaceutiques internationaux.
L'essai incriminé, effectué pour le compte du groupe portugais Bial, portait sur une molécule recensée sous le nom de "Bia 10-2474", développée pour soulager douleurs et anxiété.
A noter que les détails de l’essai clinique sont indisponibles sur les bases de données internationales censées les recenser.
Sur cet essai, une semaine complète de test était rémunérée 1.900 euros, frais de déplacement compris, selon le site Breizh.info.