Essais cliniques : faut-il vacciner les participants qui ont reçu un placebo ?
La moitié des participants aux essais cliniques des vaccins contre le covid ont reçu un placebo. Quand pourront-ils recevoir le vrai vaccin ? Un dilemme éthique se pose aujourd’hui, notamment pour le vaccin Pfizer qui arrive sur le marché.
Des vaccins pour les participants du groupe placebo ? Régulateurs, experts et laboratoires font aujourd’hui face à un dilemme éthique : à quel moment les participants aux essais cliniques des vaccins contre le covid qui ont reçu un placebo pourront-ils bénéficier du vrai vaccin ?
Une simple solution saline
La question se pose déjà pour le vaccin de Pfizer et BioNTech, avec lequel la campagne de vaccination a débuté au Royaume-Uni et qui devrait être autorisé dans les prochains jours aux États-Unis.
L'essai clinique mené sur ce vaccin a recruté depuis fin juillet 44.000 personnes dans plusieurs pays, dont les Etats-Unis. La moitié a reçu un placebo, une simple solution saline, et l'autre le vaccin. Les participants ont été placés dans l’un ou l’autre des deux groupes de façon aléatoire et "en aveugle", c’est-à-dire qu’ils ne savent pas à quel groupe ils appartiennent.
L'utilité du placebo est d'avoir un groupe contrôle. Les scientifiques peuvent ainsi comparer le nombre de cas de covid et les éventuels effets indésirables entre les deux groupes.
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Intérêt général ou intérêt particulier ?
Mais aujourd’hui, faut-il favoriser l’intérêt général ou l’intérêt particulier des participants ? Dans le premier cas, il faudrait poursuivre l'essai en aveugle le plus longtemps possible afin d'accumuler un maximum de données.
Mais dans le second cas, il faudrait autoriser les participants à se faire vacciner. D’autant que les responsables des essais ne peuvent exiger d’eux un altruisme absolu et les volontaires sont nombreux à estimer avoir droit à se faire vacciner en priorité dès qu'un vaccin sera jugé sûr et efficace.
Attendre "leur tour"
Pour Steven Goodman, expert en épidémiologie et en santé des populations qui s’est exprimé devant le comité consultatif de l’Agence des médicaments américaine (FDA), les participants d'un essai n’ont pas de droit absolu à se faire vacciner avant que ce soit "leur tour" dans le reste de la population. Cela fait partie du contrat.
Il suggère donc que les participants soient informés de ce qu'ils ont reçu dans le bras le jour où le vaccin sera autorisé pour la catégorie de la population à laquelle ils appartiennent. Les personnes placebo pourraient alors demander à se faire vacciner immédiatement.
Des données utiles, même après vaccination
Cette méthode présente l'avantage d'inciter les participants à rester dans l'essai : ils continueraient ainsi à fournir des données importantes sur les effets secondaires et l'efficacité du produit. Ils n'auraient pas intérêt à démissionner de l'essai pour tenter de se faire vacciner indépendamment.
Mais dans les faits, rien n'interdira à une personne de 65 ans d'aller à la pharmacie le jour où le vaccin y sera disponible pour ses voisins du même âge.
Cependant, même quand le groupe contrôle des placebo disparaîtra, l'essai continuera à produire des données utiles sur la réponse immunitaire des participants et les effets secondaires.
Certes la comparaison entre le groupe contrôle et le groupe vacciné sera impossible sur plusieurs années, comme c'est habituellement le cas, car les délais de développement des vaccins anti covid ont été drastiquement réduits. Mais les données des participants vaccinés quelques mois avant ceux du groupe contrôle permettront toujours de suivre l'éventuelle apparition d'effets secondaires.
Quels volontaires pour les prochains essais ?
En revanche, un autre casse-tête se profilera : quand un ou plusieurs vaccins seront disponibles, comment les développeurs des autres vaccins expérimentaux pourront-ils recruter des participants dans leurs propres essais cliniques ? Qui acceptera le risque de 50% de recevoir un placebo, alors qu'un vaccin sûr et efficace est déjà disponible en pharmacie ?
A ce stade, les seuls essais cliniques encore possibles pourraient être sur des populations pour lesquelles aucun vaccin n'est encore autorisé, par exemple les jeunes enfants.