Les objets connectés aident-ils vraiment à perdre du poids ?
Les appareils connectés motivent-ils leurs propriétaires à faire du sport ? Si quelques travaux scientifiques suggéraient un bénéfice, une nouvelle étude menée en Pennsylvanie vient semer le doute. Parmi les 470 hommes et femmes désireux de perdre du poids étudiés par les chercheurs, les aidés par cette technologie ont éliminé moins de kilos que les autres... Explications.
Entre octobre 2010 et octobre 2012, des chercheurs de l’université de Pittsburgh ont recruté 471 jeunes hommes et femmes (dont 470 ont effectivement participé à l’expérience) désireux de perdre du poids. Durant six mois, tous ont été accompagnés dans leur démarche par une procédure standard : régime faible en calories, prescription d’une augmentation de l’activité physique, et séances collectives d’information et de conseil.
Au terme de cette période, la moitié des participants - un sous-groupe constitué aléatoirement par ordinateur - a reçu un brassard destiné à mesurer leur activité physique et leur alimentation, relié à une application en ligne. L’expérience s’est poursuivie durant un an et demi, les deux groupes ne se distinguant que par l'intrusion ou non de cette technologie à 6 mois.
Au terme de l’expérience, les chercheurs ont compilé les données... constatant que le groupe "connecté" avait perdu, en moyenne, 3,5 kilos de moins que le groupe non connecté (2,4 kg contre 5,9 kg). Si l’on extrapole ces résultats à une population générale, en tenant compte des marges d’erreurs, le poids perdu au bout de deux ans avec un programme standard serait compris entre 5 et 6,8 kg, contre 1 à 3,7 kg avec l’option "connectée".
Les chercheurs peinent à expliquer un écart si important, d’autant plus que quelques études antérieures, bien que plus courtes (environ neuf mois de suivi), semblaient en faveur d’un effet des appareils connectés.
Des chercheurs extrêmement prudents
"Les appareils qui surveillent et fournissent une rétroaction sur l'activité physique pourraient n’offrir aucun avantage par rapport aux approches comportementales standard de perte de poids", écrivent les auteurs, qui restent toutefois extrêmement prudents dans leurs conclusions.
Selon eux, introduire cet outil technologique bien après le début du programme de perte de poids a peut-être perturbé les habitudes initialement acquises par les participants. En d’autres termes, il est possible que d’autres résultats aient été observés si le brassard connecté avait fait partie du programme dès le début de l’expérience.
Comme tout résultats d’expérience scientifique, ceux-ci n’ont de sens que s’ils parvenaient à être reproduits par d’autres chercheurs. En attendant, la publication de ces résultats offre l’opportunité de faire un arrêt sur image sur la "course au gadget connecté", débutée il y a plusieurs années par les industriels, dans un enthousiasme médiatique peut-être prématuré.
A l’heure actuelle, on le voit, les preuves scientifiques de l’intérêt de ces appareils ne sont, pas encore bien solides. En outre, la psychologie des usagers reste très mal connue. Ne pas avoir l’objet connecté sur soi décourage-t-il le sportif qui hésite à courir ? La rapide évolution des technologies entraîne-t-elle une lassitude du coureur, moins à l’égard du sport que de son objet connecté ? La conviction de l’efficacité de l’appareil, ainsi paré de certaines vertus quasi-magiques, réduit-il l’engagement réel du sportif ? Autant d’hypothèses qui mériteraient d’être interrogées, avant que ne soient massivement promues ces technologies connectées…
Source : Effect of Wearable Technology Combined With a Lifestyle Intervention on Long-term Weight Loss The IDEA Randomized Clinical Trial. J.M. Jakicic et al. JAMA. 20 sept. 2016. doi:10.1001/jama.2016.12858.