Deux tiers de la planète n'ont pas accès à la chirurgie
Pour près de cinq milliards de personnes, des soins chirurgicaux basiques, comme la césarienne ou la réparation d'une fracture, sont un luxe. Chaque année, cette absence de chirurgie tue près de 17 millions de personnes, principalement dans les pays les plus pauvres.
Le manque d'accès à la chirurgie fait autant de ravage dans le monde que le paludisme, le sida et la tuberculose réunis… Faute de bistouri, 17 millions de personnes sont décédées en 2010 de maladies qui auraient pu être traitées, soit un tiers de décès mondiaux annuels. Au total, ce sont près de 5 milliards de personnes qui n'ont pas accès à des soins chirurgicaux de base, selon une étude publiée le 28 avril dans The Lancet.
Pendant un an et demi, un groupe de 25 chercheurs a étudié le système sanitaire d'une centaine de pays. Et les résultats obtenus sont alarmants, selon ces scientifiques, qui n'étaient pas étonnés de voir que c'étaient les pays les plus pauvres qui pâtissaient le plus du manque de chirurgie. 93% des habitants d'Afrique subsaharienne n'ont, par exemple, pas accès à des soins chirurgicaux sûrs, abordables et à moins de deux heures de transports. Finalement, seule une opération sur vingt (6%) est réalisée dans les pays les plus pauvres, qui concentrent pourtant à eux seuls un tiers de la population mondiale.
143 millions d'opérations manquent à l'appel
Même lorsque ces personnes peuvent avoir accès à des opérations, il arrive bien souvent qu'elles s'endettent à vie pour la rembourser. Selon l'étude, un quart de ceux qui ont subi une chirurgie n'ont en réalité pas les moyens de la payer.
Césarienne, réparation des fractures ouvertes et laparotomie (ouverture de l'abdomen) sont les procédures les plus demandées. Si elle était accessible à tous, la chirurgie permettrait notamment d'éviter 90% des morts en couche. Pour pallier aux 143 millions d'opérations qui font défaut chaque année, les chercheurs demandent aux autorités d'investir d'urgence financièrement dans des systèmes de santé nationaux. Ils espèrent ainsi voir exploser le nombre de postes de chirurgiens, d'anesthésistes et d'obstétriciens.
Source : Global Surgery 2030: evidence and solutions for achieving health, welfare, and economic development. J. Meara et al. The Lancet, avril 2015. DOI: http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(15)60160-X
Des écarts vertigineux entre pays
Le nombre de chirurgiens pour 100.000 habitants est parfois divisé par 30 selon les pays :
- Etats-Unis : 36
- Brésil : 35
- Japon : 17
- Bangladesh : 1,7
- Sierra Leone (1) : 0,1
(1) avant l'épidémie d'Ebola