Libye : la Croix-Rouge italienne dénonce l'interdiction de secourir des migrants
Le gouvernement libyen d’entente nationale a interdit le 10 août aux navires étrangers de naviguer près des côtes libyennes. Une mesure qui touche principalement les ONG venues secourir des migrants et qui est dénoncée par la Croix-Rouge italienne auprès de l’ONU.
Le président de la Croix-Rouge italienne, Francesco Rocca, a vivement dénoncé jeudi à l'ONU la récente interdiction faite aux ONG de patrouiller au large de la Libye pour secourir des migrants, qui contrevient selon lui au droit international.
Selon lui, il n'y a plus "d'accès humanitaire dans les eaux internationales" au large de la Libye, du fait d'une création le 10 août par la Marine de ce pays d'une nouvelle zone de recherche et de sauvetage (SAR) sous sa responsabilité directe. Son accès est interdit aux navires étrangers afin d'en éloigner les ONG, accusées par Tripoli de collusion avec les réseaux de passeurs.
A la suite de l'interdiction libyenne, perçue comme une menace, et quelques jours après des tirs de sommation des garde-côtes libyens face à un navire humanitaire près des côtes, plusieurs ONG - MSF, Sea Eye, Save the children, etc. - avaient annoncé la suspension de leurs opérations de secours. "Les embarcations de migrants vont être obligées de retourner en Libye et beaucoup d'enfants et d'adolescents vont mourir en mer", assure le directeur des opérations de Save the children, Rob MacGillivray.
La Croix-Rouge affirme avoir secouru 94.000 personnes en 2017
Alors que l'Italie a vu débarquer plus de 600.000 migrants sur ses côtes depuis début 2014, et que 14.000 ont péri en mer, les arrivées ont marqué cet été un net fléchissement: environ 13.500 depuis le 1er juillet, contre 30.500 sur la même période en 2016. La Croix-Rouge italienne compte 160.000 volontaires qui travaillent principalement dans les ports italiens. Au cours des six premiers mois de l'année, elle dit avoir aidé quelque 94.000 personnes.
Le président de la Croix-Rouge italienne a précisé que la zone concernée par l’interdiction s'étendait sur quelque 100 km en Méditerranée à partir des côtes libyennes, et concernait du coup des eaux internationales. Selon Francesco Rocca, il s'agit d'une décision illégale au regard du droit international.
"Trop c'est trop ! Vous ne pouvez empêcher le désespoir des gens, vous devez créer des couloirs humanitaires sécurisés et développer l'information dans les pays pour les gens qui décident de partir", a-t-il affirmé à des journalistes après un entretien avec le secrétaire général de l'ONU, le Portugais Antonio Guterres. "L'Union européenne n'est pas proactive" sur cette question, a déploré Francesco Rocca, en évoquant un "échec" européen. "Nous parlons de vies, de dignité pour des dizaines de milliers de personnes, de la Convention de Genève pour les réfugiés !"
Avec AFP