Obligation vaccinale : le gouvernement cède-t-il aux lobbies ?

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a décidé de rendre obligatoires onze vaccins d'ici 2018. Mais ce projet suscite des inquiétudes et une mobilisation d'opposants organisés en lobby.

Rudy Bancquart
Rédigé le
Chronique de Rudy Bancquart du 12 septembre 2017
Chronique de Rudy Bancquart du 12 septembre 2017

41% des Français sont méfiants vis-à-vis des vaccins. Ils sont inquiets et se posent des questions sur cette obligation vaccinale. Par ailleurs, les activistes anti-vaccins agissent de façon très organisée et constituent aujourd'hui un lobby à part entière.

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Les multiples visages du lobby anti-vaccins

Selon Serge Blisko, médecin et président de la Miviludes (mission interministérielle qui lutte contre les dérives sectaires), le lobby anti-vaccins est composé de trois grandes familles :

  • les complotistes qui pensent que l'extension à onze vaccins obligatoires est un coup monté des laboratoires pharmaceutiques
  • les partisans du new-age, adeptes de médecines naturelles et alternatives
  • les partisans d'idéologies religieuses qui restent minoritaires.
     

Ces dix dernières années, ces trois entités ont politisé la question vaccinale en France avec une seule motivation : faire pression pour modifier la loi sur la vaccination. Ils souhaitent qu'aucun vaccin ne soit obligatoire. Faire pression pour modifier la loi, on peut donc parler de lobby.

Les réseaux sociaux: l'arme des anti-vaccins

Les anti-vaccins ont manifesté devant le ministère de la Santé sous la bannière "Ensemble pour une vaccination libre", un mouvement qui regroupe toutes les tendances. Mais il ne s'agit pas d'un lobby traditionnel qui a ses entrées à l'Assemblée nationale. Ce lobby s'est structuré avec l'émergence des réseaux sociaux, où il est très présent. Sa méthode : convaincre la population pour qu'elle fasse pression auprès des politiques. Leurs armes favorites sont les pétitions qui se sont multipliées depuis l'annonce d'Agnès Buzyn. Des pamphlets anti-vaccins parfois signés par des médecins avec des rumeurs complétement folles (par exemple, les vaccins contiennent une puce pour vous espionner) circulent également.

Un film tourne aussi en boucle sur Internet. L'auteur de ce film intitulé "Vaxxed" est Andrew Wakefield, un chercheur qui a publié une étude truquée dans laquelle il fait le lien entre autisme et vaccination. Il a trouvé des relais politiques comme Michèle Rivasi, députée européenne (anti-vaccin notoire), qui a créé la polémique en essayant de le projeter à Bruxelles.

Pas de jackpot pour les labos

L'argent est un argument très souvent utilisé par les anti-vaccins. La ministre de la Santé serait à la solde du lobby pharmaceutique qu'elle veut engraisser. Cet argument est d'ailleurs relayé par certains politiques comme Marine Le Pen ou d'autres anonymes anti-vaccins.

Si les laboratoires vont gagner de l'argent avec cette obligation vaccinale, ce marché est loin d'être juteux. Tout d'abord, la couverture vaccinale dépasse 80% chez les enfants pour les vaccins recommandés. Ensuite, le prix d'un vaccin est négocié par l'Etat, il oscille entre 10 et 40 euros. Au total, le coût pour la collectivité sera de dix à vingt millions. Mais il ne s'agit pas des bénéfices des labos car il faut prendre en compte le coût de fabrication, qui est long et cher (plus de 1.277 tests sur un vaccin). Les labos ne vont donc pas toucher le jackpot.

La vaccination représente un investissement. Un des plus rentables en matière de santé. L'éradication de la variole aux États-Unis a par exemple engendré une économie de plus de trois milliards de dollars entre 1983 et 1994.

Vers une clause d'exemption?

Les anti-vaccins avancent aussi des risques pour la santé. Selon eux, la vaccination serait à l'origine de troubles autistiques, l'aluminium contenu dans les vaccins serait à l'origine de maladies neurologiques etc. Ces allégations ne sont pas recevables scientifiquement pour l'immense majorité de la communauté médicale. Les accidents sont rarissimes.

Deux cent médecins de renom ont d'ailleurs réagi en signant une pétition en juin 2017. Ils y dénoncent les lobbies anti-vaccination qui manipulent l'opinion et rappellent que la vaccination n'est pas un choix personnel mais elle vise la protection de la population dans son ensemble et notamment les plus fragiles. La vaccination sauve ainsi trois millions de vies chaque année dans le monde et a permis d'éradiquer des maladies mortelles comme la polio ou la rougeole.

Mais le lobby anti-vaccin a réussi à obtenir une inflexion de la loi. Si l'obligation vaccinale va passer de trois à onze vaccins, la ministre a évoqué une clause d'exemption. Ainsi, les parents opposés "par conviction" à la vaccination de leur enfant pourraient s'y soustraire. Pour le moment, la question n'est pas tranchée au ministère. Jusqu'à présent, ne pas faire vacciner ses enfants pouvait engendrer une peine de six mois d'emprisonnement et 3.750 euros d'amende. Si cette clause d'exemption voit le jour, le lobby anti-vaccin aura donc gagné une bataille.