Vaccin universel contre la grippe : la recherche avance
Le développement du vaccin universel contre la grippe pourrait bien s'accélérer : deux équipes de chercheurs viennent de démontrer chacune de leur côté l'efficacité d'un vaccin sur l'animal.
Les virus de la grippe évoluent en permanence. Chaque année, les chercheurs doivent donc mettre à jour le traditionnel vaccin contre le grippe, conduisant des millions d'entre nous à consulter un médecin pour recevoir leur dose annuelle. Mais deux études importantes, publiées lundi 24 août 2015, pourraient bien accélérer le développement d'un vaccin antigrippal universel.
Il faut dire que dans le monde de la recherche sur la grippe, la mise au point d'un vaccin unique protégeant contre toutes les souches de virus grippaux est un véritable "graal". Depuis plusieurs années, de nombreux travaux ont été menés dans ce sens, sans succès : aucun "super-vaccin" n'a, à ce jour, été testé sur l'homme. Ces deux nouvelles études, publiées dans les très prestigieuses revues scientifiques Nature et Science, sont donc majeures. Elles rapportent avoir démontré "la preuve de concept" de vaccins universels sur des souris, des furets, mais aussi des singes.
Les deux équipes ont concentré leurs recherches sur l'élément du virus qui est la principale cible des anticorps : l'hémagglutinine. Cette protéine, présente à la surface du virus, ressemble à une petite tige dont l'extrémité - la tête - s'accroche aux cellules de l'organisme. C'est elle qui est en partie responsable du changement annuel de vaccin : les mutations génétiques du virus peuvent modifier la protéine, qui n'est donc plus reconnue par les anticorps.
Cibler les parties du virus qui changent peu d'une année sur l'autre…
Dans la première étude, publiée dans la revue britannique Nature, les chercheurs de l'institut américain des allergies et des maladies infectieuses ont concentré leurs recherches sur la tige de l'hémagglutinine. Sa structure est beaucoup plus stable que celle de la tête, en constante mutation.
Ils ont en fait lié cette base (la tige) provenant d'un virus grippal de souche A(H1N1) à des nanoparticules et en la combinant avec un adjuvant, ils ont réussi à immuniser les souris et les furets - qui présentent les mêmes symptômes que l'homme - avant de leur injecter des doses létales de virus A(H5N1). Bien que la vaccination n'ait pas réussi à neutraliser complètement le virus H5N1, elle a protégé complètement les souris et partiellement les furets.
"Cette découverte représente un pas important vers le développement d'un vaccin antigrippal universel", a indiqué Gary Nabel, le responsable de l'étude qui estime que les composants de son vaccin ne devraient pas dans un premier temps remplacer les vaccins traditionnels mais seulement les "compléter".
…ou bien celles qui sont communes aux différentes souches
Dans la seconde étude, publiée dans la revue américaine Science, un groupe de chercheurs dirigé par Antoinette Impagliazzo du Crucell Vaccine Institute, a rapporté avoir testé un vaccin qui a conféré une protection complète à des souris et une réponse immunitaire large sur des singes.
Ils ont eux aussi travaillé sur la tige de l'hémagglutinine et se sont efforcés de trouver des morceaux capables de se lier aux anticorps monoclonaux à large spectre de l'organisme. Ces derniers ciblent de multiples souches virales semblables : ils peuvent donc reconnaître et s'attaquer aux différentes souches d'une même famille de virus, telle que la grippe.
"Le candidat final baptisé mini-HA a démontré une capacité unique à provoquer une réponse immunitaire large et protectrice chez les souris et les primates non humains", soulignent les chercheurs qui estiment eux aussi avoir progressé en direction d'un vaccin anti-grippal universel.
Plusieurs années d'attente avant l'arrivée d'un vaccin
Ces résultats ont donc été accueillis très favorablement par plusieurs experts, même si ces derniers soulignent toutefois qu'une arrivée dans les pharmacies du nouveau vaccin n'est pas pour demain.
"C'est un développement passionnant", note pour sa part Sarah Gilbert, un professeur de vaccinologie à l'Université d'Oxford. "Mais les nouveaux vaccins devront encore faire l'objet d'essais cliniques pour voir comment ils fonctionnent chez les humains (...) ce qui risque de prendre plusieurs années", ajoute-t-elle.
Pour le Pr Bruno Lina, professeur de virologie à Lyon et directeur du Centre français de référence sur la grippe, "il s'agit d'une piste de travail intéressante". Mais il note également que les souris ont une réponse immunitaire très différente de celle des humains et qu'"on ne peut pas affirmer qu'on sera en mesure de fabriquer rapidement un vaccin protégeant l'homme".
Avec AFP