Faut-il généraliser la vaccination contre le papillomavirus ?
En mars dernier, 50 médecins insistaient sur l’urgence d’augmenter la couverture vaccinale chez les filles et de l’étendre aux garçons. Mais la semaine dernière, d'autres professionnels de santé publiaient un droit de réponse. Explications.
Faut-il généraliser la vaccination des adolescents contre le papillomavirus, ou HPV, responsables de cancers du col de l’utérus, de l’anus ou encore de la gorge ? C’est la question qui fait aujourd’hui polémique entre les médecins … D’un côté 50 poids lourds du monde médical insistent sur l’urgence d’augmenter la couverture vaccinale chez les filles et de l’étendre aux garçons. Ils ont signé en mars dernier un appel qui appuie l’action de la ministre de la santé. Mais la semaine dernière : rebondissement, avec la publication d’un droit de réponse signé par 15 médecins et pharmaciens.
Quels sont les signataires de ce droit de réponse ?
Ce qui est intéressant, c’est que ce droit de réponse n’a pas été rédigé par les médecins que l’on connaît bien pour leur position anti-vaccins, comme Henri Joyeux ou Luc Montagnier. Non, il est à l’initiative du Pr Rémy Boussageon, Pr de médecine générale à Lyon, membre du comité scientifique du « Collège national des généralistes enseignants », le CNGE. C’est une société savante, au même titre que celles qui ont signé l’appel des 50, et d’ailleurs, cette société a été elle-même contactée pour signer cet appel. Sauf qu’elle a refusé, et le Pr Boussageon a voulu en expliquer les raisons en publiant ce droit de réponse.
Y a-t-il urgence à généraliser la vaccination anti-HPV ?
Dans ce droit de réponse, il est dit que l’appel des 50 à accélérer la vaccination et à l’étendre rapidement aux garçons n’a pas de justification. Alors on sait que les garçons participent à la circulation des virus HPV et qu’ils en sont victimes eux aussi. Un lien a été démontré avec la survenue de cancers de l’anus, du pénis, ou de certains cancers ORL. On sait aussi que de nombreux pays ont choisi de vacciner les garçons.
L’Australie en tête où les filles sont vaccinées gratuitement depuis 2007 et les garçons depuis 2013, et d’ailleurs les résultats sont impressionnants. L’année dernière, une étude a démontré que le nombre de personnes infectées par les deux principaux virus HPV a énormément baissé. En 2005, 22,7% des jeunes femmes de 18 à 24 ans étaient porteuses, et 10 ans plus tard, elles n’étaient plus que 1,1% !
C’est d’ailleurs à la suite de la parution de ces chiffres très encourageants, que la ministre de la santé Agnès Buzyn a saisi la Haute autorité de santé. La question posée c’est : la France doit elle aussi vacciner les garçons ? La haute autorité de santé doit rendre sa copie cet été. Alors pourquoi vouloir accélérer les choses ? On n’est pas en pleine épidémie d’une maladie infectieuse à progression très rapide, du type Ebola !
Un scénario "d'urgence" qui en rappelle un autre...
Les signataires du droit de réponse condamnent donc cette volonté d’agir dans l’urgence qui n’est pas sans leur rappeler la décision du remboursement du Gardasil il y a 12 ans : en février 2007, alors que la Haute autorité de santé bûchait sur le sujet et devait rendre son rapport deux mois plus tard, le ministre de la santé de l’époque Xavier Bertrand a pris tout le monde de cours en annonçant à l’assemblée nationale qu’il remboursait ce vaccin sans attendre.
Là encore on n’était clairement pas à deux mois près … Et quand la commission a rendu son rapport comme prévu le 18 avril 2007. Elle s’est déclarée favorable au remboursement, comme le ministre, mais pour elle, il était « souhaitable que la mise en place du dépistage par frottis soit réalisée avant l’introduction de la vaccination contre les papillomavirus. » Mais trop tard, la décision était prise …
Aucune preuve que ces vaccins diminuent le nombre de cancers du col de l’utérus
Ces vaccins n’ont toujours pas démontré leur efficacité directe contre les cancers du col de l’utérus. En clair on ne peut pas dire regardez, chez les personnes vaccinées on a moins de cancers. C’est parce qu’il se passe beaucoup de temps entre l’infection par le virus et l’apparition d’un cancer. Entre 15 et 30 ans. Donc il faut attendre. Mais ce qui est sûr, on l’a vu en Australie, c’est que le nombre de personnes infectées par le virus diminue de manière très significative, et on sait aussi avec certitudes que les personnes vaccinées développent moins de lésions précancéreuses, donc selon toute logique, le nombre de cancers devrait diminuer !
Maintenant il va falloir attendre pour en avoir la preuve, qui devrait arriver entre 2020 et 2025. On n’est pas à l’abri de voir apparaître de nouvelles souches de virus, mais les médecins ont de bonnes raisons d’être optimistes, ces vaccins représentent un réel espoir, chaque année, en France 1000 femmes meurent du cancer du col de l’utérus, c’est-à-dire 3 par jour.
Ces vaccins sont-ils sûrs à 100 % ?
Alors ce qui est sûr, c’est que des jeunes filles ont développé des effets indésirables graves dans les jours ou les semaines qui ont suivi cette vaccination. Des maladies auto immunes, des ménopauses précoces, et même des décès. Maisces maladies auto immunes, ces ménopauses, et ces décès surviennent aussi chez des jeunes filles du même âge qui ne sont pas vaccinées.
Donc pour savoir si on a plus de risques avec le vaccin, il faut faire des études, et ces études réalisées sur des millions de jeunes filles partout dans le monde n’ont pas démontré de lien statistiquement significatif avec ces maladies.1 doute subsiste sur le syndrome de Guillain Barré. Une maladie auto-immune inflammatoire. Ce risque est d’ailleurs précisé dans la notice, mais à ce jour les autorités ne remettent pas en cause le rapport bénéfice-risque de ces vaccins.
Les 50 auraient des liens d’intérêts avec l’industrie
Oui puisque dans la première version publiée, l’appel des 50 ne signalait aucun lien d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique. Dans ce droit de réponse, ces 15 médecins ont fait des recherches. Et ils ont retrouvé 1 611 066 euros d’avantages et de rémunérations provenant des fabricants de vaccins contre le HPV à destination des signataires, ou de leurs sociétés.
Alors liens d’intérêt ne signifie pas forcément conflit d’intérêt, mais ça nécessite quand même de creuser un peu. Et donc ces signataires demandent la tenue d’une commission d’enquête parlementaire pour lever tout doute ... Ce qui est une bonne idée, puisque mettre au clair les liens entre les défenseurs des vaccins et l’industrie pharmaceutique permettrait de rassurer les gens. C’est clairement ça qui peut ramener la confiance…