Inceste : Faut-il supprimer le délai de prescription ?
Pour les victimes d’inceste, briser le silence peut prendre des décennies. Sur le plan judiciaire, une question se pose régulièrement : les personnes victimes de crimes sexuels enfant devraient-elles pouvoir saisir la justice jusqu’à la fin de leur vie ?
Aujourd’hui en France, une personne victime d’inceste a jusqu’à ses 48 ans, soit 30 ans après sa majorité pour porter plainte contre son agresseur. Au-delà de ce délai, il y a prescription. Faut-il supprimer ce délai ? Parmi les professionnels du droit, le sujet fait débat.
Rendre les crimes d’inceste imprescriptibles, c’est ce que réclament de nombreuses associations, soutenues par quelques magistrats.
« Il faut supprimer la prescription dans ce genre de cas parce qu'il faut penser aux victimes. Un enfant, c’est la personne qu'on doit protéger le plus, en lui disant "toute ta vie tu pourras toujours révéler cette chose-là". Pour qu'elle ne sente pas que le crime qui a été commis vis-à-vis d'elle soit impuni. Dans tous les pays du monde, vous voyez ces choses-là évoluer, alors pourquoi chez nous ça n’évoluerait pas ? », explique Me Jean-Paul Laborde, ancien sous-secrétaire général à l'ONU, conseiller honoraire à la cour de cassation.
La prescription aiderait la victime à porter plainte
Mais selon d’autres magistrats, il faut conserver la prescription, un principe du droit pénal, qui dans certains cas, aiderait même la victime à porter plainte.
Pour Me Marie Grimaud, avocate spécialisée dans la défense des enfants, supprimer le délai de prescription donnerait un faux espoir aux victimes.
« Rendre les choses imprescriptibles, c'est une mesure de symbole mais dans les faits, le plus grand obstacle pour les victimes d'inceste, ce n’est pas une question de prescription, c'est une question de comment leur parole est reçue en justice, comment elles sont accompagnées en justice et est-ce que cette parole aboutit à un procès à la fin du processus judiciaire. Ce qui n'est pas le cas. En France, notre système judiciaire a beaucoup de mal à entendre les particularités d'une parole d'une victime d'inceste », explique-t-elle.
Selon le secrétariat d'Etat à l’enfance, plus de 70% des procédures pour violences sexuelles sur mineurs ne donnent pas lieu à un procès.