#IncesteHandicap : la parole se libère aussi chez les personnes handicapées
La parole se libère autour de l’inceste, mais une catégorie de personnes restait jusqu’à présent oubliée : les personnes handicapés. L’association Femme pour le Dire Femme pour Agir lance aujourd’hui une enquête et un #IncesteHandicap.
Les chiffres de l’inceste sont glaçants, ceux des violences sexuelles sur les enfants handicapés le sont encore plus. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un enfant handicapé a 2,9 fois plus de risques d’être victime de violences sexuelles qu’un enfant non porteur de handicap. Et s’il s’agit d’un handicap mental, le risque est même 4,6 fois plus élevé.
Pourtant on manque de données chiffrées sur ces violences taboues, d’autant plus difficiles à signaler pour les personnes handicapées. Un manque de données auquel l’association Femme pour le Dire femme pour Agir (FDFA), qui lutte contre la discrimination des femmes handicapées, a décidé de remédier, en lançant sa propre enquête sur le sujet.
Des violences au second plan
La première étape est de recueillir la parole des victimes, grâce au #IncesteHandicap, lancé ce 29 mars, car “l'impunité des agresseurs découle du handicap et du manque de moyen pour le signaler”, déplore Alain Piot, sociologue et administrateur de FDFA.
L’association dispose déjà d’une ligne d’écoute pour les femmes handicapées victimes de violences, lancée en 2015. C’est un premier canal par lequel les témoignages leur parviennent, même si “très peu de femmes appellent directement pour ces faits d’inceste”, explique Jocelyn Vaysse, psychiatre écoutante et membre du conseil d’administration de FDFA.
“C’est souvent des violences qu’elles subissent sur le moment, beaucoup de violences conjugales notamment, qui les poussent à appeler. Et au fil de la discussion les victimes disent ‘vous savez pour moi la violence, c’est rien de nouveau, quand j’étais plus jeune…’ et on finit par découvrir l’inceste.”
Mettre fin à l'impunité
L’enquête veut élargir le champ, en recueillant au maximum la parole des victimes via Twitter, même si “les réseaux sociaux il faut savoir s’en servir, y avoir accès…” soupire Jocelyn Vaysse. Car même si elle reconnaît que les personnes handicapées sont de plus en plus incitées à dire qu’elles subissent des violences, il reste une part non négligeable de gens qui n’oseront pas s’exprimer, ou n’auront pas la capacité de le faire, du fait de difficultés d’expression liées à leur handicap.
L’association espère faire bouger les choses pour faciliter le parcours des victimes, encore compliqué par le handicap. “Ça peut être un frein à la compréhension, à la perception de la notion de violence. Et cela peut avoir des conséquences difficiles de dévoiler ce genre de violences : vont-elles être crues ? Il y a aussi les liens familiaux qui risquent d’exploser, or les personnes handicapées sont souvent dépendantes du soutien familial” ajoute la psychiatre.
Les freins et obstacles au signalement des violences sont multipliés dès lors qu’on y ajoute la notion de handicap. Reste que la libération de la parole fait son chemin, peu à peu. Et qu’avec cette enquête, dont les résultats sont attendus pour fin novembre 2021, les zones d’ombres qui profitent aux agresseurs devraient reculer encore un peu plus.