Violences conjugales : "Si les plaintes ne sont pas instruites, ça va continuer"
Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat en charge de l’Egalité femmes-hommes, a annoncé lundi une série de mesures pour lutter contre les violences conjugales.
En 2016, 123 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-compagnon, soit environ une tous les trois jours. Pour enrayer ce fléau, Marlène Schiappa a annoncé notamment des moyens supplémentaires pour le 3919, le numéro d’appel gratuit pour les femmes victimes de violence et la création d’un outil de géolocalisation des places d'hébergement d'urgence.
Dr Gilles Lazimi, membre du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, répond aux questions du Magazine de la santé.
- Que pensez-vous de ces mesures ?
Dr Gilles Lazimi : "Ce sont d’excellentes mesures. La possibilité de signaler les faits en ligne, le fait d’augmenter les moyens du numéro d’urgence etc. oui ça va aider les femmes à être écoutées et entendues. Mais j’espère que les moyens vont suivre parce que ça n’est pas le premier plan. Nous avons une parole forte du gouvernement mais il faut que la justice suive aussi, il faut que les condamnations arrivent. Nous avons fait une étude sur les viols qui montre qu’il y a eu moins de 40% de condamnations depuis dix ans ? Que se passe-t-il ? Il faut réellement des ordonnances de protection qui soient mises en place, que les polices accueillent mieux et que les juges instruisent mieux ces plaintes. Donc si cette campagne doit servir à ça, c’est parfait."
- Le gouvernement prévoit de mieux localiser les hébergements d’urgence…
Dr Gilles Lazimi : "C’est très bien mais ça ne suffit pas. Il faut des hébergements spécifiques. Il y a des inégalités territoriales évidentes mais aussi des limitations car dans les hébergements d’urgence, on reçoit les femmes une semaine ou deux mais ensuite on n’a pas de logements pérennes et du coup ces femmes se retrouvent avec le 115. Il faut être accompagné pour sortir des violences et si on n’accompagne pas ces femmes, s’il n’y a pas des travailleurs sociaux, des associations avec des moyens pour s’occuper aussi des enfants, et bien ces femmes risquent de repartir chez le conjoint violent."
- La justice doit-elle aussi faire des progrès dans ce domaine ?
Dr Gilles Lazimi : "Si les plaintes ne sont pas instruites, si les maris violents ne sont pas condamnés, ça va continuer. La moitié des femmes qui décèdent étaient connues des services sociaux, du voisinage. Il faut réellement des moyens. Cette campagne est formidable, c’est la grande cause du quinquennat, c’est parfait, mais donnons plus de moyens. On vient d’apprendre que le budget du secrétariat d’Etat à l’égalité femmes-hommes sera le même que l’année dernière… Cela fait des années que l’on demande des consultations gratuites pour les femmes et les enfants victimes de violences conjugales, ce sont des bombes à retardement, donc il faut vraiment des moyens pour les prendre en charge."