Une victime d'excision témoigne : "Il faut informer les jeunes filles pour libérer la parole"
A l'occasion de la Journée mondiale contre l'excision le 6 février dernier, Ramata Kapo, de l’association Excision, parlons-en !, nous livre son histoire.
"J’ai découvert mon excision lors d’une visite médicale, vers 16-17 ans. J’ai un peu balayé la question, puis je l’ai mise dans un coin de ma tête, et je n’en ai plus reparlé", raconte Ramata Kapo. Pourtant, aujourd’hui, la jeune femme milite activement au sein du réseau associatif Excision, parlons-en !. Car même en France, des milliers d’adolescentes sont toujours concernées par ces violences.
"Faire perdurer la tradition"
Chaque été en effet, des jeunes filles françaises dont les parents sont issus de régions pratiquant l’excision retournent "au pays", et risquent la mutilation génitale. "Certaines familles veulent faire perdurer la tradition par peur d’être rejetées, car elles vivent en France. Mais des parents, au contraire, ne savent pas que leur fille va être excisée, souvent par une grand-mère ou une tante", explique Ramata Kapo. Aujourd’hui, elle intervient dans des collèges et des lycées pour informer et alerter les filles potentiellement menacées.
L’excision est l’ablation partielle ou totale des organes sexuels externes féminins. Cette intervention interdite en France peut provoquer une hémorragie, voire le décès de la victime. Une femme excisée aura, tout au long de sa vie, d’importantes complications obstétricales. D’après Excision, parlons-en !, en France, 3 filles sur 10 de parents issus de pays pratiquant les mutilations sexuelles féminines sont toujours en danger. Les causes de l’excision sont diverses, d’après Ramato Kapo, mais pour elle, cette violence perdure car "on a peur de la femme, de ce qu’elle dégage. Elle a beaucoup de palettes : elle peut être mère, femme, combattante…" Supprimer ce qu’on considère comme "l’organe du plaisir" reviendrait donc à s’assurer son contrôle.
Excisée avant 1 an et demi
Ramata Kapo, 37 ans aujourd’hui, se souvient : "En 2005 ou 2004, le Gams [Groupe des Femmes pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles et des Mariages Forcés, ndlr] a lancé une campagne de sensibilisation à cette question, et ça m’a interpellée. C’est aussi la période durant laquelle je suis tombée enceinte. Je suis allée voir un gynécologue, qui m’a informée que je pouvais connaître des difficultés lors de l’accouchement. Alors j’ai commencé à me poser des questions, et j’en ai parlé à ma mère. Elle m’a juste répondu que oui, j’avais été excisée, sans me donner de détails."
Mais ce silence n’a pas freiné Ramata Kapo, qui a défié le tabou. "J’ai pris l’initiative d’en parler. Je suis arrivée en France à 1 an et demi, mon excision a donc été faite avant cet âge-là, j’étais très jeune. J’en ai parlé à mes petites sœurs, qui n’avaient pas été mutilées", poursuit-elle. Mais prévenir n’est malheureusement pas suffisant. Pour elle, il est également primordial d’informer sur la possibilité pour les femmes victimes d’excision de bénéficier d’une chirurgie réparatrice. "L’information passe beaucoup par le bouche-à-oreilles. Il faut faire du travail de terrain, informer les jeunes filles pour libérer la parole", estime Ramata Kapo.
La bénévole parle en connaissance de cause, puisqu’elle a elle-même opté pour une réparation. "Cette solution est offerte : pour moi, elle a été prise en charge par la Sécurité sociale et la mutuelle. Je n’ai pas eu à avancer de frais", explique-t-elle. Aujourd’hui, elle estime "se sentir femme", même si elle comprend tout à fait le choix de celles qui ne souhaitent pas bénéficier d'une opération réparatrice. "Ce n’est pas le clitoris qui fait se sentir femme", conclut-elle.