Retrouver l'érection grâce aux cellules souches
Une étude française rapporte des résultats prometteurs sur l'intérêt de cellules souches dans le traitement des troubles de l'érection. Douze patients, dont les capacités d'érection avaient été compromises par l'opération d'un cancer de la prostate, ont subi une greffe de cellules souches dans le pénis. Six mois plus tard, les résultats des douze patients sont encourageants, aussi bien sur l'érection que sur la qualité de l'orgasme et des rapports sexuels.
L'étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a été publiée dans l'European Urology en octobre 2015 et concerne douze patients souffrant de troubles sévères de l'érection, dans les suites d'une prostatectomie, l'ablation de la prostate. Cette séquelle fréquente s'explique par la lésion des vaisseaux et/ou des nerfs impliqués dans le mécanisme érectile.
Les traitements habituels (médicaments, vacuum, prothèse pénienne) pallient l'érection défaillante de façon artificielle. La thérapie cellulaire semble s'imposer peu à peu dans le traitement curatif[1] de la dysfonction érectile : les études[2] sur les cellules souches provenant des cellules adipeuses ou de la moelle osseuse se sont donc multipliées sur cette thérapeutique qui offre aux patients une érection naturelle, en agissant au niveau des cellules lésées, notamment nerveuses[3].
La moelle osseuse comporte différents types de cellules souches. L'équipe de l'Inserm a étudié les cellules souches mononucléaires, susceptibles de se différencier en type de cellules lésées par la chirurgie : endothéliales au niveau des vaisseaux, musculaires lisses dans les muscles lisses, conjonctives au sein du tissu conjonctif. Elles sécrètent également des substances qui favorisent la réparation des nerfs et vaisseaux endommagés.
Le protocole
L'objectif de cette étude de phase 1 était de tester chez l'homme la faisabilité et la tolérance de plusieurs doses ; l'étude portait donc sur un petit nombre de patients, pour qui les traitements standards demeuraient sans effet au bout de deux ans (doses maximales de sildénafil ou d'injections intra-caverneuses, vacuum). L'écho-Doppler objectivait des lésions sévères des vaisseaux du pénis, qui étaient la cause de la dysfonction érectile. L'objectif secondaire était d'évaluer les effets sur la rigidité du pénis, la qualité de l'érection et des rapports sexuels.
Première étape : le prélèvement de moelle osseuse des douze patients, au niveau de l'os de la hanche. Les cellules souches sont ensuite extraites.
Seconde étape : l'injection des cellules au niveau des corps caverneux du pénis. Quatre doses de cellules souches ont été évaluées (les douze patients ont été divisés en quatre groupes et ne recevaient qu'une seule injection).
Place ensuite aux évaluations, grâce à des questionnaires pour évaluer la satisfaction des rapports sexuels, le désir sexuel, l'érection, l'orgasme, la rigidité du pénis lors des rapports. Les vaisseaux sanguins du pénis étaient étudiés avant et après la greffe, par écho-Doppler. Autre paramètre évalué : la longueur du pénis (la prostatectomie radicale pouvant engendrer une rétraction du pénis et réduire sa longueur).
Des résultats prometteurs
Six mois après l'injection, les patients rapportaient une amélioration de :
- l'érection (le score passant de 7,3 à 17,4 sur 30 après la greffe - 30 étant le score le plus haut) ;
- la satisfaction globale des rapports sexuels (score de 3,9 à 6,8 sur 10 - 10 étant le score le plus élevé) ;
- la qualité de l'orgasme, passant de 3,9 à 6,8/10.
Le pénis avait gagné en rigidité lors de l'érection : elle était évaluée à 1,3/4 avant la greffe et à 2,6/4 après - 4 traduisant la rigidité maximale.
Deux patients avaient décrits des érections similaires à ce qu'elles étaient avant la chirurgie, sans prise de médicaments. La longueur du pénis était allongée d'un centimètre en moyenne.
Résultat remarquable, les doses les plus élevées provoquaient les effets les plus marqués et une normalisation des résultats à l'écho-Doppler. Les améliorations constatées se poursuivaient un an après la greffe, un résultat à modérer par le fait que certains patients utilisaient toujours un traitement lors des rapports.
De plus, la tolérance du procédé a été excellente ; la douleur passagère au niveau du site de prélèvement de la moelle osseuse était le principal effet secondaire. Aucun effet secondaire ne fut constaté sur la vascularisation du pénis et la capacité d'érection.
Des limites certaines
En premier lieu, le faible nombre de patients étudiés limite la portée des résultats.
Il ne s'agit pas d'une étude contrôlée, avec un groupe traité et un autre recevant un placebo, permettant de comparer l'efficacité du traitement. L'étude n'est pas non plus randomisée, en double aveugle. Les auteurs concluent donc que ces résultats prometteurs nécessitent d'être confirmés par des essais portant sur un plus grand nombre de patients. Si c'était le cas, tous les patients souffrant d'un trouble de l'érection d'origine vasculaire (qu'elle soit causée par un diabète, une maladie cardio-vasculaire,…) pourraient bénéficier de ce traitement.
Référence de l'étude : Safety of Intracavernous Bone Marrow-Mononuclear Cells for Postradical Prostatectomy Erectile Dysfunction: AnOpen Dose-Escalation Pilot Study. Yiou. Eur Urol. 01/1015. doi: 10.1016/j.eururo.2015.09.026.
[1] Advances in stem cell research for the treatment of male sexual dysfunctions. Soedbadi. Curr Opin Urol. 26/03/2016. 26(2):129-139.
[2] Stem-cell therapy for erectile dysfunction. Albersen. Arab J Urol 11/09/2013. doi: 10.1016/j.aju.2013.05.005
[3] Multipotent Stromal Cell Therapy for Cavernous Nerve Injury-Induced Erectile Dysfunction. Albersen. Jour of Sex Med. F06/112011. DOI: 10.1111/j.1743-6109.2011.02556.x