Un tiers des marques d'eaux en bouteille a recours à des traitements interdits
Environ un tiers des marques d'eaux minérales a recours à des traitements de purification interdits en France rapportent Le Monde et Radio France, citant un rapport de l'Igas.
Des techniques de purification de l'eau interdites en France. Ce mardi 30 janvier, une enquête de Radio France et Le Monde a révélé qu'un tiers des marques d'eaux minérales a recours à des traitements interdits. La veille, un article publié dans Les Echos dévoilait que le géant de l’agro-industrie Nestlé Waters, la division mondiale pour l’eau embouteillée du groupe Nestlé, aurait enfreint la réglementation pendant des années pour purifier ses eaux minérales. Cette entreprise dispose de deux sites de conditionnement d’eau minérale naturelle en France : dans les Vosges (Vittel, Contrex, Hépar), et dans le Gard, à Vergèze (Perrier).
30 % des marques concernées
"Les travaux ont permis de révéler que près de 30 % des désignations commerciales subissent des traitements non conformes", écrivent Le Monde et Radio France, évoquant les "conclusions" d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), remis au gouvernement en juillet 2022.
"La mission [de l'Igas] n'a pas de doute sur le fait que la proportion de 30 % [des dénominations commerciales concernées] sous-estime le phénomène et que l'ensemble des minéraliers soient concernés", est-il indiqué dans ce rapport, assurent les deux médias.
Ce rapport découle d'une "mission d'inspection des usines de conditionnement d'eaux minérales naturelles et d'eaux de source" en France qui avait été confiée à l'Igas, rapporte une source gouvernementale à l’AFP. Cette décision faisait suite à une démarche de Nestlé à l'été 2021 qui avait reconnu auprès des autorités des "pratiques de traitements non-conformes sur [ses] sites" de production.
Traitements ultraviolets et filtres au charbon
Issue d'une directive européenne, la réglementation interdit toute désinfection des eaux minérales qui doivent être naturellement de haute qualité microbiologique, contrairement à l'eau du robinet qui est, elle, désinfectée avant de devenir potable. Une réglementation dont l'interprétation exclut les traitements ultraviolets et les filtres au charbon actif auxquels a eu recours Nestlé Waters.
L'entreprise justifie le recours à ces techniques par les "évolutions de l'environnement autour de ses sources, qui peuvent parfois rendre difficile le maintien de la stabilité des caractéristiques essentielles" de ses eaux, autrement dit leur absence de pollution. "Différents éléments chimiques ou microbiologiques", qui s'amoncellent au "passage de l'eau dans les nappes souterraines ou à travers son cheminement dans les tuyaux de l'usine", ont exigé l'usage de ces filtres, avance Muriel Lienau, présidente de Nestlé France, dans un entretien avec l'AFP.
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Une affaire qui débute en 2020
Selon Le Monde et Radio France, l'affaire a commencé fin 2020, quand un ancien salarié de la société Sources Alma, qui produit une trentaine d'eaux en bouteilles en France dont Cristaline, Saint-Yorre et Vichy Célestins, a signalé à la répression des fraudes (DGCCRF) des "pratiques suspectes dans une usine du groupe".
Cette enquête de la DGCCRF a débouché sur une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Cusset (Allier) visant des faits de tromperie, précisent les deux médias. Contacté par l'AFP, le groupe Alma n'avait pas fait de commentaire à la mi-journée.
Aucun risque sanitaire ?
Aujourd’hui, l’entreprise affirme avoir abandonné les traitements interdits et admet avoir maintenu des dispositifs de microfiltration "compatibles avec le cadre réglementaire". Le ministère de l’Economie a assuré ce mardi 30 janvier "qu'aucun risque sanitaire lié à la qualité des eaux embouteillées n'a été identifié à ce stade".
Dans son enquête, Radio France souligne pourtant que selon les inspecteurs de l'Igas, si "globalement", le "niveau de conformité est élevé sur les eaux en bouteille, il ne serait pas prudent de conclure à la parfaite maîtrise du risque sanitaire, notamment du risque microbiologique". Pire, le rapport de l’Igas suggère que "les traitements mis en place" l’ayant été pour "pallier un défaut de qualité de la ressource, leur retrait est de nature à engendrer un risque sanitaire" et pourrait "exposer les consommateurs à un risque sanitaire en lien avec l’ingestion de virus".