''Faire le deuil'', une expression inappropriée ?
J'ai horreur de l'expression "faire son deuil". Mon mari s'est tué dans un accident, on vit après mais autrement; l'absence du mort est toujours là.Un psychiatre m'a dit un jour : "accepter ce n'est pas oublier". Cela m'a aidée.
Les réponses avec le Dr Christophe Fauré, psychiatre-psychothérapeute, et le Dr Alexis Burnod, service de soins palliatifs à l'Institut Curie à Paris :
"Faire son deuil est une expression qui est utilisée à tort et à travers surtout que l'on a l'impression d'avoir fait son deuil à partir du moment où on a rendu la personne décédée absente. Or, ce n'est pas du tout l'idée. L'idée est au contraire de rendre la personne décédée présente dans son histoire, avec la nouvelle vie sans elle. Et quand on dit aux personnes de faire le deuil, on a l'impression qu'on résume à trois fois rien ce qui arrive. Alors que c'est une nouvelle aventure, avec des étapes, des déstructurations, des reconstructions qui sont arrivées."
"Il faut surtout ne pas oublier et créer les conditions pour ne pas oublier. L'idée de faire son deuil, c'est l'idée que c'est fait et c'est fini. Mais ce n'est pas du tout le cas. Il n'y a jamais de fin de deuil. C'est une cicatrice profonde qui reste en soi, et cette cicatrice va rester toute une vie, plus ou moins douloureuse en fonction des circonstances (fête des mères, fête des pères, Noël…). Mais cette cicatrice reste. Il faut proscrire cette expression "faire le deuil" qui n'a aucun sens.
"Beaucoup de gens associent faire son deuil à oublier, tourner la page, passer à autre chose… Et c'est la raison pour laquelle plein de personnes sont en résistance par rapport à ça. Elles ne veulent pas faire le deuil. Heureusement que ces personnes se battent contre ça car cela voudrait dire que la personne qu'ils ont aimé pendant 10-20 ans va disparaître de leur existence et n'aura plus aucune trace alors qu'on a été façonné par l'amour que l'on a partagé avec cette personne."
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