Alzheimer : un essai clinique sous les projecteurs
Pendant près de quatre ans, deux réalisateurs se sont immergés dans le quotidien du service de neurologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, le centre de recherche contre la maladie d'Alzheimer en France. Ils ont suivi une équipe de médecins et de chercheurs durant l'essai clinique "Hippocampe". De cette immersion, est née "Alzheimer, une course contre la montre", documentaire tout juste primé au Festival international du grand reportage d'actualité (FIGRA). Pierre-Olivier François, co-auteur et co-réalisateur du film, nous livre son expérience.
- Extrait du documentaire "Alzheimer, une course contre la montre", de Pierre-Olivier François et Pierre Bourgeois -
- Pourquoi avoir décidé de traiter cette thématique de la maladie d'Alzheimer ?
Pierre-Olivier François : "L'idée de ce film était de décrypter un protocole de recherche de la maladie d'Alzheimer. Dans l'essai clinique "hippocampe", les chercheurs ont eu recours à un médicament déjà utilisé pour traiter des patients à un stade avancé de la maladie, avec des résultats assez nuancés. Les chercheurs ont donc voulu administrer ce médicament à des patients en tout début de maladie, pour voir s'il était possible d'atténuer, voire de bloquer la destruction de l'hippocampe, zone du cerveau où se forge notre mémoire.
"Beaucoup de films ou documentaires ont été réalisés autour de la maladie d'Alzheimer, mais très peu sur la recherche en elle-même. Nous souhaitions déchiffrer le mécanisme et les différentes relations entre les laboratoires, les médecins et les patients. Les enjeux économiques autour de la maladie sont colossaux, c'est véritablement un nouveau marché. L'idée première était donc de comprendre les rapports de dépendance entre labos privés et hopitaux publics d'une part, mais également de pouvoir rendre compte de l'impact de la maladie sur le patient et son entourage, sur une longue durée puisque notre tournage s'est étalé sur près de quatre ans. Notre film ne cherchait pas à rattraper l'actualité. Il la suit. Nous voulions au maximum éviter le voyeurisme dans la manière dont nous avons suivi le quotidien de ces quatre patients."
- Comment ces patients et leur entourage vivent-ils au quotidien avec cette maladie ?
Pierre-Olivier François : "La maladie d'Alzheimer fait peur. Et c'est un véritable tabou de l'évoquer. Elle touche à l'intime de l'individu, à sa mémoire, à son cerveau. Les trois patients que nous avons suivi avaient entre 60 et 79 ans. Ils étaient, comme les 210 malades qui ont accepté de participer à cet essai clinique, au commencement de leur maladie, et l'angoisse était très palpable au sein de leur famille. Nous avons constaté sur le terrain que la maladie pouvait parfois désinhiber la parole dans les familles, et créer de réelles tensions. C'est aussi une maladie "honteuse" pour les proches comme pour le malade. L'autre angoisse réside dans le traitement. Les patients vivent dans la crainte que le traitement reçu affecte leur cerveau."
- Qu'est-ce qui vous a le plus marqué au cours de votre immersion ?
Pierre-Olivier François : "La recherche sur la maladie d'Alzheimer est synonyme d'espoir pour de nombreuses personnes. Pour les patients bien sûr, mais pour les professionnels aussi. Côté laboratoires, c'est un peu la course à celui qui trouvera en premier la molécule ou le vaccin miracle. Lors d'un congrès en Autriche, on a vu plus de 7 000 représentants de différents labos ! La recherche avance. L'essai clinique "hippocampe" que nous avons suivi a montré de bons résultats, puisqu'une des molécules utilisées a permis chez certains patients, de réduire de 45 % la dégénérescence de l'hippocampe après un an. Mais malheureusement la solution miracle n'existe pas encore. Et aujourd'hui l'une des analyses nées de ce documentaire, est que la maladie d'Alzheimer ne se soigne pas uniquement avec les médicaments. Pour un malade, le soutien moral de son entourage est primordial."
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