Compléments alimentaires : attention aux contre-indications !

Les compléments alimentaires séduisent avant tout les non fumeurs, les sportifs, et autres aficionados du "consommer sain". C'est-à-dire dire ceux qui ont certainement le moins besoin de ces petites pilules aux effets prétendus "coup de pouce".

Setti Dali
Rédigé le

Jusque-là, sur les compléments alimentaires, nous n'avions que des données commerciales : en France, le marché des compléments alimentaires a dépassé le milliard de chiffre d'affaires. Pour la première fois, une étude sur plus de 80.000 personnes donne une idée plus précise de la consommation de ces compléments alimentaires dans notre pays.

Enfin des chiffres

Cette étude a été élaborée à partir du programme NutriNet Santé, qui observe le comportement alimentaire de 500.000 internautes, préalablement sélectionnés par des chercheurs. Il s'agit ensuite de mesurer de façon précise l'impact des apports alimentaires, mais aussi d'autres facteurs, tels que le sport, le poids, le tabagisme, les antécédents familiaux. Les participants répondent à une multitude de questions, qui sont ensuite vérifiées par les chercheurs.

C'est au travers de leurs réponses que les épidémiologistes, Serge Hercberg et Mathilde Touvier, ont pu fournir les premiers chiffres disponibles sur la consommation de compléments alimentaires en France, et qui viennent de paraître dans le British Journal of Nutrition.

Des compléments très féminins

Plus d'un quart des femmes et 15% des hommes prennent régulièrement des compléments alimentaires. Le problème, c'est que dans la moitié des cas, ces consommateurs le font sans aucun avis ni prescription médicale. Et pas forcément à bon escient. Les compléments, y compris les vitamines et les minéraux (fer, calcium, zinc) vendus comme médicaments, sont dans 55% des cas prescrits ou conseillés par un médecin, tandis que 45% relèvent de l'automédication.

Des femmes donc, plutôt âgées, souvent divorcées, ou sans enfants, et ayant un niveau d'études ou appartenant à une catégorie socio-professionnelle plutôt élevés.

Tous les consommateurs ont à peu près les mêmes motivations : lutter contre la fatigue ou rester en bonne santé. Les compléments alimentaires semblent répondre à ces besoins. Et sur la longueur : 60% sont consommés depuis plus d'un an, en moyenne 95 jours par an, sous forme de cures ou en permanence.

Des consommateurs irréprochables

Pour la première fois, l'étude donne également un profil type du consommateur de compléments alimentaires. Se dessine alors un Français très calé en nutrition, et au mode vie plutôt sain. "Nous nous sommes aperçus que ces Français mangent bien, fument moins, sont sportifs, font attention à leur santé… Bref, plutôt des personnes qui apparemment auraient le moins besoin de compléments alimentaires", précise Serge Hercberg, épiémiologiste en nutrition.

Les fumeurs, des consommateurs inquiétants

Mais ce qui inquiète les chercheurs de l'étude, ce sont davantage les fumeurs. Certes ils prennent moins de compléments alimentaires que les non-fumeurs, mais leur consommation reste toutefois importante. De plus, 55% d'entre eux utilisent ces compléments en automédication, sans aucun contrôle médical. "Or, il y a des risques pour ces fumeurs qui ont été étudiés, et mis en évidence", précise Serge Hercberg. "On sait que la prise de béta-carotène, un précurseur de la vitamine A, présent dans de nombreux compléments, augmente le risque de cancer du poumon quand il est consommé en association avec une prise de tabac, précise-t-il.

Les compléments alimentaires peuvent en effet interférer de façon indésirable avec des médicaments, rappelle Mathile Touvier, co-auteur de l'étude. Elle a récemment évalué en détail 1.491 interactions entre 213 compléments alimentaires et 509 médicaments.

Conclusion : les médicaments ayant pour cible le système nerveux central ou cardio-vasculaire sont ceux pour lesquels le plus d'interactions indésirables avec les compléments alimentaires ont été décrites. Le problème, c'est que le traitement prescrit peut devenir inefficace, voire au contraire majoré avec un effet de surdose. "On sait ainsi que des compléments alimentaires à base de produits naturels sont particulièrement contre-indiqués chez les patients atteints de cancers gynécologiques, du sein, de cancer de la prostate et de leucémies", explique Mathilde Touvier.

A terme, l'étude a pour objectif de surveiller sur plusieurs années ces consommateurs de compléments alimentaires, afin d'évaluer de façon plus précise l'impact de cette consommation sur leur santé.

Source : "Sociodemographic, lifestyle and dietary correlates of dietary supplement use in a large sample of French adults: results from the NutriNet-Santé cohort study", British Journal Of Nutrition, 22 février 2013.

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