Dépister la luxation congénitale de la hanche
La luxation congénitale de la hanche concerne en moyenne deux bébés sur mille et certaines régions, comme la Bretagne, sont plus touchées. Quelles sont les complications de cette luxation ? Quelles sont les séquelles à l'âge adulte ? Comment la dépister ?
Qu'est-ce qu'une luxation congénitale de la hanche ?
Une boiterie qui apparaît dès les premiers pas d'un enfant, de l'arthrose précoce ou encore une prothèse totale de hanche avant 50 ans... La luxation congénitale de la hanche est une pathologie qui touche plus particulièrement la Bretagne, la Vendée et le Massif central, mais pas seulement. À la naissance, 6 à 20 bébés sur 1.000 vont présenter cette déformation qui est en fait une "dysplasie congénitale de hanche" ou une "hanche luxable". Les petites filles sont les premières touchées.
La hanche est l'articulation qui joint le fémur, c'est-à-dire l'os de la cuisse, au bassin. Normalement la tête du fémur s'emboîte parfaitement dans le creux du bassin que l'on appelle le cotyle, comme une boule dans un bol. Ce cotyle doit recouvrir toute la tête du fémur pour que l'articulation de la hanche soit stable et permette la marche. On parle de luxation congénitale de la hanche lorsque la tête du fémur veut sortir ou sort du cotyle.
La luxation congénitale de la hanche touche les nouveau-nés dès la naissance. Elle concerne six naissances pour 1.000 en France. C'est donc une pathologie fréquente, qui touche davantage les filles que les garçons. Il existe plusieurs facteurs de risques : des facteurs de risques d'ordre mécanique (par exemple, un accouchement par le siège ou grossesses multiples) et surtout des antécédents familiaux. Il est fréquent que plusieurs générations soient touchées dans une même famille ou plusieurs frères et soeurs dans une même fratrie parce que la luxation congénitale de la hanche serait génétique.
L'origine géographique est souvent mise en avant. En France, il y aurait plus de luxations congénitales de la hanche en Bretagne et en Auvergne. Ce n'est pas le climat, ni la consanguinité comme on l'a souvent dit mais bien la génétique qui est en cause. La luxation congénitale de la hanche est asymptomatique. Cette instabilité de la hanche n'est pas douloureuse. C'est pourquoi pendant longtemps on ne découvrait la luxation congénitale de la hanche qu'au moment où l'enfant commençait à marcher.
Un dépistage capital à la naissance
La prise en charge de la luxation congénitale de la hanche a beaucoup évolué et s'est nettement améliorée. Aujourd'hui, l'examen clinique des hanches de chaque nouveau-né est systématique en France. Au CHU de Rennes, les équipes vont encore plus loin en proposant une échographie systématique à un mois pour toutes les filles et pour les garçons qui présentent des facteurs de risques. Car plus le dépistage est précoce, idéalement dans le premier mois, moins le traitement sera lourd.
Grâce à ce protocole de dépistage précoce, le CHU de Rennes enregistre d'excellents résultats. Il n'y a pas eu d'hospitalisation à cause d'un défaut de dépistage depuis 2008 en Ille-et-Vilaine.
Pour dépister une luxation congénitale de la hanche le plus tôt possible, la consultation est menée en binôme par un pédiatre orthopédiste et un pédiatre échographiste. "La consultation de référence est réservée à des enfants qui ont déjà eu une échographie en ville, pour lesquels les mesures étaient douteuses et pour lesquels un deuxième avis est sollicité", explique le Dr Bernard Fraisse, chirurgien orthopédiste pédiatrique.
L'échographie des deux hanches permet de mesurer la distance qui sépare la tête du fémur du fond du cotyle, c'est-à-dire le creux du bassin. En dessous de six millimètres, la hanche est normale. Au dessus, il peut y avoir une luxation congénitale. L'examen clinique permet de confirmer le diagnostic.
Même si la prise en charge de la luxation congénitale de la hanche s'est considérablement améliorée au cours des trente dernières années, l'Académie de médecine a récemment interpellé les professionnels de santé sur un relâchement du dépistage car les luxations congénitales de hanche découvertes après l'âge de la marche sont de plus en plus nombreuses en France.
À long terme, les conséquences d'une luxation congénitale de la hanche peuvent être l'apparition d'arthrose précoce, parfois dès 20 ans. On estime aussi que 40% des poses de prothèse totale de hanche avant 50 ans sont directement liées à cette luxation.
Des complications pour la marche
Le décalage entre les articulations de la hanche complique la marche.
À l'âge de la marche, il faut également réaliser un bilan pour rechercher des séquelles. Car lorsqu'elle n'a pas été traitée ou si le traitement n'a pas été convenable, l'enfant risque de boiter à l'âge adulte.
L'articulation de la hanche est alors anormale, la tête du fémur se déforme et ne s'emboîte plus correctement. Aujourd'hui, le dépistage et le traitement chirurgical de la luxation sont très au point.
La luxation congénitale de hanche peut toutefois provoquer une autre complication que la boiterie, quand elle n'a pas été dépistée ou traitée à temps. La position anormale du fémur perturbe en effet la circulation du sang qui nourrit l'os, donc, l'extrémité du fémur va manquer d'oxygène et se détruire petit à petit, c'est ce que l'on appelle une "nécrose de la tête fémorale".
Cette maladie est très difficile à traiter et elle est responsable de difficultés lorsque l'on marche. Le dépistage à la naissance est donc capital pour éviter de telle complication...
Après le lange câlin, le harnais de Pavlik
Si elle est dépistée à temps, dès les premiers mois de vie, la dysplasie congénitale de hanche est révolutive. C'est là tout l'intérêt du dépistage précoce. Dans le cas contraire, l'enfant peut apprendre à marcher presque normalement, mais à moyen et long terme, à l'âge adulte, il va présenter des difficultés : une boiterie, des douleurs articulaires, une arthrose... qui peuvent apparaître dès l'âge de 20 ans et nécessiter un traitement beaucoup plus lourd, c'est-à-dire bien souvent une opération pour poser une prothèse totale de hanche.
Une mise sous traction
Chez les petits, quand le lange câlin, puis le harnais de Pavlik n'ont pas permis de réduire la luxation de la hanche, ou si l'enfant est dépisté après l'âge de 18 mois, en France les médecins proposent généralement une mise sous traction.
Cette méthode de réduction progressive orthopédique est assez impressionnante. Cela dit, elle a fait ses preuves. Après quatre à six mois de plâtre, la hanche est parfaitement repositionnée. A terme, l'enfant, devenu adulte, ne gardera aucune séquelle. Même pas une cicatrice. C'est seulement en cas d'échec de cette solution, que les médecins proposent une intervention chirurgicale, ce qui représente au final à peine 1% des cas.
À l'inverse, aux Etats-Unis, en cas de luxation congénitale de la hanche, on pratique systématiquement une réduction chirurgicale, c'est-à-dire une opération. C'est plus rapide, moins coûteux. Mais il n'est pas sûr qu'à terme les hanches s'en portent mieux. Arrivés à la trentaine, nombre de patients ont d'ailleurs besoin d'une prothèse de hanche.
À noter aussi qu'en Afrique, les cas de dysplasie congénitale de hanche sont extrêmement rares. Au delà des explications génétiques, il y a une raison simple : là-bas, traditionnellement, les mamans portent leur bébé en écharpe. Résultat, quand il est sur leur ventre ou dans leur dos, le nourrisson est toujours assis les jambes écartées.
L'importance d'un diagnostic précoce
La luxation congénitale de la hanche est une malformation fréquente chez les petites filles mais elle est diagnostiquée beaucoup trop tard.
Cette malformation qui concerne six naissances sur 1.000 peut être décelée dès les premières semaines de vie. Mais dans les faits, la luxation congénitale de la hanche est diagnostiquée en moyenne à 12 mois. Un retard qui peut nuire à la qualité de la rééducation car plus la prise en charge est précoce, plus elle est efficace.
Avant la sortie de la maternité, tous les nourrissons bénéficient d'un examen clinique de la hanche. Quand il y a une malformation, une consultation avec un spécialiste est alors nécessaire.
Le Pr Wicart est chirurgien orthopédique habitué à manipuler les nouveau-nés : "Quand on examine un enfant pour ses hanches, il ne faut pas se jeter sur les hanches tout de suite. On commence par regarder ses mains, les membres supérieurs. Ensuite on regarde le dos jusqu'en bas pour voir s'il n'y a pas de petites anomalies au sacrum". Après un examen général, le médecin procède à la manipulation des hanches.
Si la malformation de hanches peut avoir pour origine une mauvaise position in utero, elle peut aussi avoir des causes héréditaires. Pour confirmer le diagnostic, les enfants doivent passer une échographie. Avant trois mois, les médecins préfèrent l'examen par échographie à celui par radiographie, jugé trop irradiant pour les nourrissons.
Grâce au diagnostic précoce, les enfants peuvent bénéficier d'un traitement léger. Un lange semi-rigide permet ainsi de maintenir la hanche dans la bonne position. Mais tous les nourrissons ne bénéficient pas d'une prise en charge précoce. Quand le diagnostic est plus tardif, le traitement est plus lourd. Il consiste à maintenir l'enfant sur son lit dans une position oblique, ses jambes étant tractées par des poids.
La mise sous traction est un traitement long et lourd qui permet d'éviter des complications qui peuvent aller jusqu'à la pose précoce d'une prothèse de hanche.