Don d'organes, top et flop
Le 3 avril 2012, une patiente doit recevoir le coeur d'un donneur, mais la greffe échoue en raison d'une grève aérienne. Si l'histoire soulève encore beaucoup d'incompréhensions, c'est aussi le moment de rappeler que le nombre de greffes réalisées en France progresse chaque année. Et face à une demande de greffons toujours plus importante, le don d'organes reste insuffisant. Le gouvernement vient de lancer son deuxième "plan greffe", visant à augmenter le nombre de greffons dans les cinq années à venir.
Une greffe de cœur ratée à cause d'une grève aérienne ! L'histoire s'est déroulée le 3 avril 2012 : la receveuse était à Nantes. Le greffon à Metz. Le cœur devait être transplanté dans les quatre heures qui suivaient le prévèlement. Mais l'avion n'a jamais pu récupérer le greffon. L'aéroport de Metz était fermé en raison d'un mouvement de grève national des aiguilleurs du ciel. En temps normal, pour ce type d'urgence, la grève aurait pu être être suspendue. Mais, ce jour-là, rien ne s'est passé comme prévu. Les contrôleurs aériens disent n'avoir reçu aucune demande d'atterrissage.
Le parquet de Metz mène son enquête. La patiente qui n'a finalement pas bénéficié de sa greffe de cœur, a raconté son histoire aux enquêteurs du parquet de Nantes. Sa déposition sera transmise au parquet de Metz afin qu'il puisse procéder aux vérifications sur place pour évaluer "s'il existe un cadre juridique de plainte", a indiqué une source judiciaire.
Selon l'Agence de la biomédecine qui coordonne les greffes à l'échelle nationale, sur les 398 greffes de cœur annuelles, une dizaine échoue en raison d'impondérables logistiques. Car le cœur a une durée de vie plus courte pour une greffe.
"La greffe, ça marche"
Toujours est-il que le nombre de greffes ne cesse d'augmenter chaque année. 4 945 actes recensés pour 2011, une augmentation de 5 % par rapport à l'année précédente. Des résultats en hausse, mais pas encore satisfaisants.
"Normal, la greffe, ça marche !", s'exclame Emmanuelle Prava-Bordenave, directrice de l'Agence de la biomédecine. Résultat : les médecins envoient plus facilement leurs patients vers une greffe qu'autrefois. "Avant, on considérait par exemple qu'une greffe de rein après 70 ans était exclue, explique Emmanuelle Prava-Bordenave. Aujourd'hui, on a de très bons résultats sur les personnes âgées."
Les patients en attente d'un greffon sont donc de plus en plus nombreux. En 2000, la France comptait 10 000 personnes en attente d'une greffe, aujourd'hui elles sont plus de 15 000.
Autre explication à ce phénomène : la hausse des maladies chroniques, comme le diabète ou l'hypertension, qui évoluent souvent vers une insuffisance terminale d'organes.
Il faut donc augmenter le nombre de greffons, et c'est l'objectif premier du nouveau "plan greffe", lancé par le gouvernement au mois de mars 2012. Un plan d'attaque à plusieurs facettes.
Gagner du temps
D'abord, il s'agit de gagner des années de vie et de qualité de vie sur les patients en attente d'un greffon. Cela est possible avec les malades souffrant d'insuffisance rénale, par exemple. "Il ne faut plus se focaliser sur la greffe en elle-même", explique Bénédicte Vincent, responsable de communciation à l'Agence de la biomédecine, en précisant : "Nous voulons anticiper au mieux l'évolution de la maladie, pour mieux retarder l'entrée dans la phase terminale".
"Un tiers des personnes prises en charge dans un service de dialyse, arrivent en urgence, souligne Emmanuelle Prava-Bordenave. Et souvent, ils arrivent donc en phase terminale. C'est dommageable car ces personnes sont inscrites sur une liste d'attente pour une greffe, dans l'urgence, et donc en disposant de peu de temps devant eux."
Enfin, améliorer la qualité de vie des patients en attente d'une greffe, c'est aussi optimiser les chances d'un don de personnes vivantes. "Il est plus difficile de parler du don d'organe avec les proches du malade, quand celui-ci est en phase terminale", ajoute Mme Prava-Bordenave.
Sur les 4 945 greffes pratiquées en 2011, seules 316 ont été réalisées à partir de donneurs vivants : 302 transplantations de reins et 14 de foie. L'objectif du plan est de parvenir en 2015 à 5 700 greffes, avec un taux de croissance annuelle de 5 %.
On est tous des donneurs potentiels
Le taux de refus des familles est encore très élevé avec un tiers d'opposition au prélèvement. De nombreuses familles ne sont pas au courant des souhaits de la personne défunte en la matière. Résultat, dans le doute, la famille du défunt, questionnée par le personnel médical, le jour du décès, préfère refuser le don d'organes. Des campagnes d'informations sur le thème "don d'organes, pour sauver des vies, il faut l'avoir dit" rythmeront les 5 prochaines années.
L'autre objectif, est d'améliorer la qualité de l'accueil dans les services d'urgences ou de réanimation. "Le plus souvent, les familles ont l'impression d'être mal accueillie. Et ce sentiment les pousse alors à refuser le don d'organes, par rejet du personnel hospitalier", explique Mme Prava-Bordenave.
Pour remédier à cela, plus de 1 500 réanimateurs et urgentistes seront formés et sensibilisés au don d'organes d'ici 2015.
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