Du venin de vipère pour combattre les mélanomes
Les résistances développées par les mélanomes malins aux différentes molécules utilisées lors d'une chimiothérapie incitent les chercheurs à expérimenter des voies de traitement toujours nouvelles. Depuis plusieurs années, l'attention de la recherche se porte sur les propriétés particulières du venin commun à certains serpents orientaux. Les dernières recherches en date précisent encore le champ d'application potentiel du surprenant "médicament".
Au fil des découvertes scientifiques, les serpents venimeux se révèlent de bien précieux alliés pour l'homme. Après les récents travaux de l'Inserm mettant en lumière les propriétés antalgiques exceptionnelles du venin de mamba noir, c'est au tour d'un représentant de la famille des vipères d’offrir ses services à la médecine.
Une vipère au venin salvateur contre le mélanome
L'eristicophis macmahoni, originaire de la zone frontière entre l'Iran, l'Afghanistan et le Pakistan, possède un venin puissant qui agit sur l'organisme à de multiples niveaux. Ainsi l'une de ses composantes chimiques, l'eristostatine, interrompt-elle la coagulation sanguine, accélérant les pertes de sang de la victime mordue.
Le mode d'action de cette protéine est connu : celle-ci s'attache à la surface des plaquettes sanguines, les empêchant d'initier le processus de coagulation. Cependant, cette agression ne se fait pas sans réaction de l'organisme. Les lymphocytes T, globules blancs originaires du thymus, ne manquent pas de repérer l'altération et d'engager la destruction des cellules corrompues. Malheureusement, les quantités introduites par une morsure sont bien supérieures aux capacités de combat de l'organisme.
Cependant, l'eristostaine possède une seconde gamme de cellules de prédilections. Selon de nombreuses observations réalisées depuis le milieu des années 1990 , les protéines de surface qui l'attirent inexorablement vers les plaquettes possèderait de quasi-jumelles sur le pourtour… des mélanomes.
Des expérimentations avaient été réalisées dès 1998 sur des souris atteintes d'une catégorie particulière de mélanome. En adjoignant aux traitements existants de très faibles quantités d'eristostaine, les scientifiques étaient parvenus à réduire drastiquement la prolifération des cellules cancéreuses vers les poumons et le foie.
Une nouvelle étude pour identifier les candidats potentiels au traitement
Pour déterminer les cas dans lesquels une telle thérapie pourrait être généralisée, des chercheurs de l'Université du Delaware ont évalué avec une rigueur micrométrique les interactions existantes entre la molécule et six types de mélanomes. Leur étude, publiée en janvier 2013 dans la revue Toxicon, est des plus concluantes.
Pour mesurer le degré réel d'attraction entre les cellules la molécule de venin, les chercheurs ont utilisé un microscope particulier, dit "à force atomique" (MFA). Celui-ci est conçu pour "décoller" les protéines agglomérées, tout en quantifiant la force mise en jeu pour l'opération. Résultat de l'expérience : l'affinité est réalisée dans les six cas étudiée, et est réalisée sur bien plus de marqueurs de surface que postulé jusqu'alors. L'hypothèse initiale ne concernait en effet qu'un seul type de liaison : quatre familles d'interactions sont en réalité en jeu.
Cette double découverte démontre la possibilité d’utiliser de faibles quantités de venin pour cibler très précisément l’immense majorité des mélanomes. L'eristostatine confirme ainsi peu à peu son statut de médicament dans la lutte contre les mélanomes malins.
Source : "Effect of the disintegrin eristostatin on melanoma–natural killer cell interactions", Stefan Haileya,Elizabeth Adamsb,Ryan Penna,Alice Wongc,Mary Ann McLanea, Toxicon, Volume 61, January 2013
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