Le tétrazépam sous l'oeil des agences du médicament
Au terme d'une enquête sur les effets indésirables du tétrazépam (Myolastan® et génériques), l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) demande aux autorités européennes de statuer sur le rapport bénéfices/risques du médicament.
L'ANSM a récemment achevé une enquête de pharmacovigilance portant sur quatre décennies de cas déclarés relatifs aux effets indésirables du tétrazépam. Autorisés en France depuis 1967, les médicaments intégrant cette benzodiazépine (1) sont fréquemment prescrits pour le traitement de contractures musculaires douloureuses (myorelaxant). Compte tenu de la classe de médicaments considérée, l'agence française juge "inhabituelle" la part et la fréquence des cas relatifs à des affections cutanés constatées.
Sur 1.616 cas uniques déclarés, 648 cas graves ont été recensés - soit quinze par an. Il s'agit pour près de moitié (305) d'affections de la peau et du tissu sous-cutané. Une proportion significative de ces cas renvoie à des affections pourtant rares : syndrome de Stevens-Johnson (5%, avec un cas d'évolution mortelle) ou syndrome de Lyell (5%, avec 9 cas d'évolution mortelle). L'étude relève également "15 à 18 cas" de syndrome d'hypersensibilité médicamenteuse. Parmi les effets graves autre que cutanés, les effets affections du système nerveux représentent près de 10% des cas.
La gravité des cas rares, mise dans la balance face aux bénéfices attendu de la molécule, a incité la commission nationale de pharmacovigilance "à recommander la réévaluation du rapport bénéfice/risque du tétrazépam" et la suspension de son autorisation de mise sur le marché (AMM).
L'ANSM a initié fin décembre 2012 une procédure d'arbitrage auprès de l'Agence européenne du médicament (EMA). Son Comité pour l'Evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC) doit statuer au plus vite "sur le niveau de risque de l'ensemble des spécialités contenant du tétrazépam (formes orales) autorisées en Europe."
Dans l'attente des conclusions du PRAC, l'ANSM rappelle aujourd'hui sur son site qu'il existe des alternatives thérapeutiques au tétrazépam, parmi lesquelles des prises en charges non médicamenteuses. Par mesure de précaution, l'agence recommande pour l'heure "de limiter la durée d'utilisation des spécialités à base de tétrazépam au strict minimum."
Bien que soumises à prescription médicale, le tétrazépam reste aujourd'hui la seule benzodiazépine sur le marché français dont la durée de prescription n'est pas limitée.
(1) Les benzodiazépines (BZD) sont une classe de médicaments utilisés dans le traitement de l'anxiété, de l'insomnie, des convulsions et spasmes, ainsi qu'en appui au sevrage alcoolique. Les BZD possèdent notamment des propriétés anxiolytiques, antiépileptiques et myorelaxantes (relaxation musculaire).
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Le syndrome de Stevens-Johnson est une affection rare caractérisée par l'apparition de lésions au niveau des muqueuses (bouche, paupières, organes génitaux) ainsi que de lésions cutanées circulaires qui peuvent recouvrir la plus grande partie de la peau. Celles-ci évoluent alors en papules, en urticaire ou en plaques purpuriques. Des cas de lésions bulleuses sont également recensées, qui peuvent aboutir à des décollement de la peau. L'atteinte des muqueuses bronchiques engendre, dans des cas fréquents, des pneumopathies. La maladie est également associée à de fortes fièvres et de violents maux de tête.
Les cas les plus extrêmes de ce syndrome, pour lesquels 30% de la surface cutanée est touchée, sont désignés sous le nom de nécrolyse épidermique toxique, ou syndrome de Lyell.
Sources : Revue du syndrome de Stevens-Johnson et du syndrome de Lyell - Conférences scientifiques en dermatologie MG Gill University [pdf] et Encyclopédie Vulgaris Medical.