Maltraitance des personnes âgées : l'hôpital de Gisors est-il un cas isolé ?
Des personnes âgées résidentes d'un centre hospitalier de Gisors (Eure) ont été victimes de maltraitance de la part d'aides-soignantes. Le Défenseur des droits a été saisi de l'affaire, et deux des aides-soignantes ont été suspendues. La maltraitance en maison de retraite est–elle devenue un phénomène courant ? Quatre questions à Annie de Vivie, présidente de l'association Âge Village.
- 25% des saisines du Défenseur des droits (1) concernent la maltraitance sur les personnes vulnérables. Beaucoup d'entre elles se trouvent en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Est-ce que la maltraitance en maison de retraite est devenue quelque chose d'habituel ?
"Non, ça ne tend pas à devenir commun. Les professionnels et les familles sont de plus en plus sensibilisés mais il y a un gros besoin de formation, sur le repérage, sur la façon d'aider et sur les bons gestes à adopter pour éviter que des situations ne dérapent. Les établissements ont aussi besoin de davantage de contrôles. Plus vous êtes entre vous, plus vous risquez de déraper en abusant du pouvoir qui est le vôtre en tant que soignants. Nous avons donc besoin d'évaluation et d'expertises de professionnels sur les maisons de retraite, même si pour l'instant ils sont plutôt réticents. Mais on ne peut pas dire que le risque de maltraitance augmente.
"Quand on interroge ALMA [ALlô MAltraitance, numéro d'appel sur la maltraitance, NDLR], ils nous disent que les appels évoquent plus des situations vécues au domicile que dans des établissements. De notre côté aussi nous sentons une volonté de bien faire et une prise de conscience de la part des établissements."
- Il y a manifestement déjà eu des précédents dans cet Ehpad. En mars 2013, un proche de l'une des aides soignantes mises en cause avait en effet alerté la direction de l'hôpital. Par ailleurs, en 2010, un rapport d'un cadre de cet établissement évoquait déjà des cas de maltraitance. Comment expliquer le manque de réaction de la direction de cette maison de retraite ? Et comment croire qu'il s'agisse d'un cas isolé ?
"Quand la direction ne fait plus son boulot, quand le management est défaillant, quand il n'y a plus de contrôle, là ça peut déraper. D'ailleurs, on peut voir des établissements très bien classés devenir beaucoup moins bons suite à un changement de direction. On est dans un fonctionnement centré sur l'humain, donc il faut régulièrement s'évaluer et se faire évaluer. On est souvent confronté à des situations très tendues dans des maisons de retraite, avec des personnes âgées très difficiles. Donc n'importe qui peut déraper, dans n'importe quelles situations. Plus vous avez des regards sur vous, plus vous vous autorégulez. Il ne faut jamais s'endormir sur ses lauriers."
- L'Association des Directeurs au service des Personnes Agées (AD-PA) réclame davantage de personnels au service des personnes âgées. Peut-on résumer ces situations ou ce type de problèmes par un manque de moyens, humains ou économiques ?
"Ce que nous constatons, à l'association ÂgeVillage, c'est le manque de moyens humains qui permettrait d'avoir une présence continue. Mais vous pouvez démultiplier les moyens humains, si vous ne mettez pas une formation, une philosophie et une évaluation derrière tout cela, ça ne sert à rien."
- Comment faire pour repérer des signes de maltraitance ?
"Pour moi, il y a un critère essentiel : c'est l'ouverture. Si vous ne pouvez pas rentrer dans la structure à n'importe quelle heure il y a un problème. Un établissement doit être ouvert en permanence, surtout pour les proches. Si vous ne pouvez pas accéder aux comptes-rendus des Conseils de la Vie Sociale [une structure présente dans toutes les maisons de retraite, NDLR], il y a un problème. Et puis il faut aussi se fier à vos impressions : si vous êtes accueillis par un personnel posé, souriant, qui a un peu de temps pour vous parce qu'il n'est pas en permanence en train de courir, c'est un signe tangible que l'établissement fonctionne bien."
(1) Selon une déclaration à l'AFP de Loïc Ricour, directeur santé du Défenseur des droits, le 10 juin 2013.
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