Pesticides : retour au bio ?
La France est le premier consommateur de pesticides en Europe et le troisième au niveau mondial. Très utilisés ces dernières années, ces produits ont été déclarés dangereux par de nombreuses études. Quels sont leurs effets sur la santé ? Quels sont les risques pour l'homme ? Les produits bio sont-ils la solution ?
On les retrouve partout : dans la terre, l'eau, l'air et nos maisons. Les pesticides représentent un marché de deux milliards d'euros. Tous ces produits de synthèse ont permis d'améliorer la productivité agricole mais ce sont de véritables cocktails chimiques dont on ne connaît pas toujours les conséquences à long terme pour l'homme et sa santé.
Pesticides : quels dangers pour la santé ?
Sous le terme "pesticides", on trouve en réalité plusieurs produits. Les plus utilisés sont les fongicides, les herbicides et les insecticides. Les premiers sont des substances qui servent à lutter contre les champignons et les moisissures. Les deuxièmes permettent au jardinier de "nettoyer" un sol avant de planter en inhibant la pousse des herbes. Les derniers provoquent la mort des insectes en bloquant leur système nerveux.
Une question fait débat à ce sujet dans la société et les scientifiques n'arrivent toujours pas à trancher. Les pesticides sont-ils aussi dangereux pour l'homme pour que pour les insectes et les mauvaises herbes ?
Il faut distinguer les effets aigus des pesticides, liés à une utilisation ponctuelle, des effets chroniques. Les effets aigus sont issues de cas d’intoxications documentés par les centres antipoison et de toxicovigilance. Il peut s'agir d'irritations cutanéo-muqueuses, de réactions allergiques cutanées ou oculaires, de vomissements, de toux, de gêne respiratoire ou traduire l’atteinte d’un ou plusieurs organes ou systèmes (système nerveux, foie, rein notamment), selon le ministère de la Santé.
Pesticides : que montrent les études ?
Concernant les effets chroniques, des études ont pu mettre en évidence "des liens entre l’exposition aux pesticides et le risque d’apparition de pathologies cancéreuses, neurologiques ou encore de troubles de la reproduction, en particulier en milieu professionnel", note le ministère.
Certains pesticides possèdent aussi des effets perturbateurs endocriniens, c'est-à-dire qu'ils perturbent notre système hormonal. En se fixant dans les graisses, le glyphosate, l'agent actif des herbicides, est par exemple en effet capable à la fois de mimer les hormones féminines et de bloquer les hormones mâles.
Enfin, plusieurs études ont démontré un lien de cause à effet direct entre l'exposition aux pesticides et le développement de certains cancers du sang chez les agriculteurs plus que chez toute autre profession.
Les agriculteurs, premières victimes des pesticides ?
Maladie de Parkinson, maladies du sang, cancers... l'utilisation de pesticides semble de plus en plus dangereuse pour les agriculteurs français. Aujourd'hui, plus de 650 000 exploitants et salariés agricoles sont exposés à des produits phytosanitaires. Une sensibilisation par des associations écologistes est indispensable pour les informer des dangers de l'utilisation de ces produits toxiques, mais aussi pour les aider à faire reconnaître leur maladie comme professionnelle.
En 2021, une expertise de l'Inserm confirmait la présomption forte d’un lien entre l’exposition régulière aux pesticides (manipulation ou contact avec des pesticides régulièrement) et six pathologies : lymphomes
non hodgkiniens (LNH), myélome multiple, cancer de la prostate,
maladie de Parkinson, troubles cognitifs, bronchopneumopathie chronique
obstructive et bronchite chronique.
Bio : pour les plantes aussi
Ainsi, face à ces risques potentiels, certains choisissent une méthode radicale : s'essayer aux cultures alternatives. Désherber n'est pas une activité anodine. Pour éviter les effets nocifs, rien ne vaut une bonne protection avec des gants et un masque. Bien sûr, au préalable, il faut lire le mode d'emploi et respecter les doses. N'oubliez pas non plus de bien laver vos fruits et légumes avant de les consommer.
Des pesticides dans l'air
Herbicides, insecticides, fongicides, avec 110 000 tonnes par an, la France est le premier utilisateur de produits phytosanitaires en Europe et le troisième au niveau mondial. Une utilisation massive qui s'explique en partie par sa position de leader dans la production agricole européenne. Problème : l'exposition aux pesticides peut être néfaste pour la santé des agriculteurs mais aussi pour celle des consommateurs.
Depuis les années 2000, la présence et l'abondance des pesticides sont prises en compte dans l'étude de la pollution atmosphérique sur tout le territoire.
Les traitements phytosanitaires sont indispensables pour de nombreux agriculteurs. S'ils connaissent les dangers et se protègent, lors des épandages, ces pesticides se retrouvent dans les sols mais aussi dans l'air. Et parfois bien loin des champs. À Poitiers, en pleine ville, une station d'analyses de l'air a une antenne spécifique dédiée aux pesticides. Chaque semaine, un technicien récupère les échantillons pour les faire analyser.
Ces analyses réalisées tout au long de l'année ont permis de mettre en évidence un lien entre l'exploitation des pesticides agricoles et leur présence en ville : "Aux environs de février, mars, avril, la période où il n'y a pas de traitements, nous constatons des concentrations très faibles. Les concentrations augmentent à partir d'avril-mai. À cette période, les concentrations d'herbicides et de fongicides sont liées aux périodes de traitements sur les grandes cultures. Et en novembre, on constate une grosse période de traitements herbicides", explique Agnès Hulin, ingénieur d'études qualité de l'air à l'Atmo Poitou-Charentes. Résultat, on retrouve en plein centre ville la présence non seulement d'herbicides, de fongicides mais aussi d'insecticides et tous ne sont pas autorisés.
Si la présence des pesticides dans l'air est démontrée, leur impact sur la santé reste méconnu comme le confie Agnès Hulin : "Les concentrations sont très faibles mais c'est une exposition passive car on respire en permanence. Donc qu'on soit en centre-ville ou en zone rurale, on va respirer des pesticides tout au long de l'année et tout au long de la journée. Et quelle que soit la quantité, du moment où cette molécule arrive dans les poumons, il y a potentiellement un risque à étudier".
Un risque difficile à évaluer car l'exposition aux pesticides est multiple. Dans l'air, dans l'eau mais aussi dans l'alimentation. "Ce qui est certain, c'est que les pesticides dans l'air contribuent à l'exposition de la population. Mais on ne sait pas dire encore aujourd'hui quel est le lien entre l'exposition aérienne et l'impact sur la santé, c'est-à-dire quelle va être la contribution de cette exposition aérienne par rapport à l'exposition alimentaire qui est une voie d'exposition importante ou par rapport au contact pour ceux qui sont les plus proches. Et quand on trouve par exemple des pesticides dans les cheveux ou dans le sang quand on fait de la biosurveillance, on ne sait pas dire d'où viennent ces pesticides", précise le Dr Françoise Weber, directrice générale adjointe aux produits réglementés.
Contrairement à l'alimentation et l'eau, il n'existe aujourd'hui pas de seuils réglementaires pour les pesticides dans l'air. Actuellement les autorités sanitaires ont un projet pour mettre en place des recommandations.
L'entretien des espaces verts sans pesticides
Depuis le 1er janvier 2017, l'usage des produits phytosanitaires est interdit sur les voiries, mais aussi les espaces verts, les forêts et les promenades comme les chemins de randonnées. Certaines communes n'avaient pas attendu cette date pour se mettre au vert. C'est le cas de Courdimanche, une petite ville du Val-d'Oise.
Depuis 2008, la commune de Courdimanche n'utilise plus de produits phytosanitaires. Résultat, l'équipe technique de la ville a dû apprendre à jardiner autrement. Un changement radical pour Loïc Gallet, responsable des espaces verts de la ville, qui a commencé sa carrière en utilisant quotidiennement des pesticides : "On n'avait pas vraiment la notion du risque. Il n'y avait pas beaucoup d'information sur le risque du phytosanitaire. À l'époque, on traitait pulvérisateur dans le dos, en short et t-shirt même parfois torse nu. Les pulvérisateurs coulaient dans le dos… Pour nous, c'était normal, il n'y avait aucun risque", confie-t-il.
Pour Sylvette Amestoy, adjointe au développement durable, l'arrêt des pesticides dans les espaces verts était une question écologique mais aussi de santé : "J'ai considéré que c'était de ma responsabilité d'élue car les agents ont une carrière professionnelle dans les espaces verts et utilisent régulièrement ces produits, pour moi cela était dangereux pour leur santé". En abandonnant les pesticides, l'aménagement des espaces verts a évolué. Aujourd'hui par exemple, plus question de parler de mauvaises herbes, on préfère le terme d'adventices.
Le plus grand changement a eu lieu dans le cimetière. Pour garder les allées de graviers impeccables, l'utilisation des pesticides était très importante "Nous avons eu l'idée il y a quelques années de végétaliser les allées, ce qui nous permet un entretien moins difficile (une tonte) pour un rendu plus apaisant et moins minéral", souligne Loïc Gallet. Résultat, un cimetière aux accents britanniques. Côté ville, pour protéger les parterres de fleurs, ce responsable a privilégié le paillage. Mais dans ces parterres, il n'y a pas que des plantes vivaces ou des graminées. Plus étonnant, on trouve aussi des aromates (thym, menthe…).
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