Quand l'austérité tue les Grecs
Après huit plans de rigueur et une baisse drastique des salaires et de la couverture sociale, la Grèce fait face à une augmentation des suicides de 35%. Les politiques doivent rapidement prendre conscience des conséquences de l'austérité sur la santé mentale grecque, selon les auteurs d'une étude publiée le 3 février.
Alors que les plans d'austérité se succèdent en Grèce depuis 2011, en réponse à la crise de la dette publique, la santé des Grecs est en chute libre. Leur désespoir s'est traduit par une hausse d'un tiers des suicides, selon une étude publiée le 3 février dans le British Medical Journal. Une équipe de chercheurs grecs et américains s'est attachée à étudier les statistiques mensuelles des suicides grecs de 1983 à 2012 en corrélation avec des événements liés aux plans d'austérité depuis 2008.
"En 30 ans, les plus forts taux de suicides sont observés en 2012. Le passage à de nouvelles mesures d'austérité en juin 2011 a marqué le début d'une hausse significative et abrupte des suicides" explique l'étude. L'annonce en juin 2011 par le gouvernement grec d'un second volet de mesures d'austérité comprenant baisse des salaires des fonctionnaires et réduction des dépenses de protection sociale, semble avoir eu l'impact le plus fort sur la courbe des suicides. Sur cette période, le nombre de suicide a augmenté de 35,7%.
2012, année noire
Selon les chercheurs, chaque nouvel épisode de rigueur s'accompagnerait d'une vague de suicides dans le pays. Après le début de la récession grecque en octobre 2008, le nombre de suicides chez les hommes a bondi de 13,1%. Une autre augmentation a aussi été observée en avril 2012 (+29,7%) après le suicide retentissant d'un retraité désespéré par l'austérité sur une place d'Athènes. Ce geste avait ébranlé le pays. C'est d'ailleurs en mai et en juillet 2012 que les chiffres mensuels des suicides atteignent les points les plus élevés jamais observés ces 30 dernières années avec respectivement 62 et 64 suicides pour ces deux mois.
Après huit plans d'austérité successifs, un tiers de la population grecque n'a plus accès à une couverture sociale. Autant de porte d'entrée en moins vers des soins psychiatriques et psychologiques… En 2013, le nombre de dépressifs grecs a augmenté de 272%. Les plans de rigueur ont essoufflé le pays et "engrangé un stress et une pression considérable sur les Grecs" selon l'étude.
La mise en garde des chercheurs
"Plus de poids devrait être accordé aux conséquences sur la santé mentale de ces mesures d'austérité" espèrent les chercheurs, en précisant que cette augmentation de suicides à la suite d'une crise économique avait déjà été observée dans d'autres pays ayant subi une restriction budgétaire similaire, comme en Espagne par exemple. Les chercheurs mettent d'ailleurs en garde les politiques sur les messages publics qu'ils véhiculent à la population grecque.
En 2013, 30% des Grecs étaient sans emploi, le chômage touchant 60% des moins de 65 ans. Avec un salaire moyen de 817 euros, près de la moitié des Grecs vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté.
Source : The impact of economic austerity and prosperity events on suicide in Greece : a 30-year interrupted time-series analysis. C. Branas et al. British Medical Journal Open, 3 février 2015. doi:10.1136/bmjopen-2014-005619