Suicide : prévenir le passage à l'acte
Chaque jour, en France, 25 personnes meurent par suicide, soit près de trois fois plus que les décès par accident de la circulation. Une tentative de suicide a lieu toutes les quatre minutes. Différents dispositifs existent pour prévenir le passage à l'acte.
- Quels sont les facteurs de risque du suicide ?
- Quels signes d'alerte ?
- Vers qui se tourner ?
- Comment prévenir une récidive ?
- La psychoéducation contre la récidive
- Suicide : l'accompagnement des personnes endeuillées
- Adolescences suicidaires, un centre spécialisé
- Les internes, particulièrement touchés par le suicide
- En savoir plus
Avec plus de 9 000 suicides par an, dont 75% concernent des hommes, la France présente l'un des plus forts taux de suicide en Europe d'après Santé publique France. 200 000 tentatives de suicide ont lieu et 100 000 hospitalisations pour ce motif se font chaque année d'après le Ministère de la Santé. Le suicide est aussi la première cause de mortalité chez les 25-34 ans et la deuxième chez les 15-24 ans, selon Info suicide.
Quels sont les facteurs de risque du suicide ?
D'après Santé publique France, près de 7% des personnes âgées de 18 à 75 ans a fait une tentative de suicide au cours de sa vie. Et une tentative de suicide a lieu toutes les 40 secondes d'après le dispositif VigilanS.
Certains facteurs sont associés : la dépression, des difficultés financières, le fait d'être célibataire, divorcé ou veuf, l'inactivité professionnelle, l'exposition aux violences, ou encore des traumatismes dans l'enfance. L'existence d'un trouble mental (troubles anxieux, dépression) favorise le passage à l'acte et doit donc être dépisté.
Quels signes d'alerte ?
On peut être alerté par des signes directs (la personne exprime vouloir mettre fin à ses jours, à sa souffrance), mais aussi par des signes indirects comme des phrases telles que "j'ai rédigé mon testament", "je dois mettre mes affaires en ordre". L'isolement, le retrait, le désinvestissement qu'il soit scolaire ou professionnel, sont aussi des signes d'alerte, tout comme la consommation excessive d'alcool ou de drogues.
D'après la Dre Cécile Omnes, psychiatre, "les symptômes qui peuvent alerter en priorité sont tous les symptômes de souffrance. Ces symptômes doivent pouvoir mettre la puce à l'oreille et la possibilité de pouvoir interroger jusqu'où va cette souffrance. Les idées suicidaires étant très rapidement présentes comme étant un des mécanismes possibles de réponse à la souffrance, il faut là en revanche poser la question."
"Quand on connaît bien la personne, on voit quand elle commence à être différente, à se renfermer sur elle-même ou au contraire à être plus agressive... et il faut pouvoir en parler avec la personne pour savoir ce qu'il lui arrive. Elle ne le dira pas forcément, pas forcément non plus à ses proches pour les protéger aussi de ce qui peut se passer d'où l'intérêt de pouvoir aussi passer la main et alerter plus largement de façon à ce que l'environnement soit le plus protecteur possible", poursuit la spécialiste.
Vers qui se tourner ?
En cas de crise suicidaire, la personne (ou l'entourage) peut appeler le 15 ou le 112 pour ne pas être seule et avoir une écoute.
En cas de pensées suicidaires, elle peut se tourner vers un psychologue, un psychiatre, un centre médico-psychologique (CMP) pour bénéficier d'une aide.
Les lignes d'aide à distance offre une écoute bienveillante et anonymes par des personnes formées, 24 heures sur 24 :
· Numéro national de prévention du suicide : 3114 (7j/7, 24h/24, gratuit et confidentiel)
· SOS Amitié, Service d’écoute bienveillant : 09 72 39 40 50 (7j/7, 24h/24, gratuit et confidentiel)
· Fil Santé Jeune, Service d'écoute pour les 12-25 ans : 0 800 235 236 (7j/7, de 9h à 23h) et Tchat en ligne (7j/7, de 9h à 22h)
Retrouvez la liste complète de ces lignes sur le site du ministère en charge de la Santé.
Comment prévenir une récidive ?
Pour prévenir la récidive suicidaire, il existe un dispositif appelé "VigilanS", qui se base sur une idée simple : maintenir le lien après une tentative de suicide à la sortie d'une structure de soin, à cause du risque de récidive évalué à 75% dans les six mois qui suivent la tentative. Testé en 2015 dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, il a été étendu depuis 2016 à d'autres régions comme celle de Montpellier.
Depuis plus d'un an, les spécialistes du dispositif VigilanS Languedoc-Roussillon appellent chaque jour cinq à dix personnes. Toutes ont un point commun : celui d'avoir tenté de mettre fin à leur vie à au moins deux reprises. "Nous appelons les patients pour prendre de leurs nouvelles mais aussi pour créer du lien, confie Christine Navarro, infirmière, et la plupart du temps ils sont assez satisfaits d'avoir nos appels et de se sentir écoutés, accompagnés et de voir que quelqu'un s'intéresse à eux".
L'appel a lieu dix à vingt jours après la sortie de l'hôpital. Un délai qui n'est pas choisi au hasard comme l'explique le Pr Philippe Courtet, psychiatre : "Les patients qui ont fait une tentative de suicide sont à haut risque suicidaire durant toute leur existence. Ils sont à très haut risque durant les premières semaines après la tentative de suicide, quand le patient se retrouve dans son environnement social, familial, professionnel...".
À chaque appel, la situation est unique et imprévisible. Spécialement formés pour détecter les moindres signes de détresse, les professionnels du dispositif VigilanS (infirmiers, psychologues...) doivent être attentifs. Pour donner l'alerte en cas de passage à l'acte imminent, le dispositif est stratégiquement installé au cœur des centres de secours. Pour éviter d'arriver à ces situations extrêmes, une fois par semaine, l'équipe pluridisciplinaire se réunit pour parler des patients inquiétants.
Ce dispositif dispose d'un site internet avec une "boîte à mieux-être" intéressante, et prévoit également un numéro vert joignable uniquement par les patients pris en charge dans la région.
La psychoéducation contre la récidive
Au CHU de Montpellier, un programme, encore en test, propose également aux personnes ayant fait une tentative de suicide de suivre des séances de psychoéducation. La première étape du programme consiste à bien connaître la maladie. "Il est vraiment important que les patients comprennent qu'il s'agit d'une maladie à part entière qui nécessite un suivi particulier parce que 50% des suicidants ne sont pas suivis au delà d'une semaine (...) L'idée, c'est que le patient devienne expert et acteur de son trouble", explique la Dre Déborah Ducasse, psychiatre.
Premier moyen d'agir contre ce trouble : s'efforcer de ne plus vivre en fonction d'objectifs incontrôlables et fluctuants mais plutôt se recentrer sur soi et vivre l'instant présent. Autre outil expliqué par l'infirmière : une technique de méditation de pleine conscience pour ne plus se laisser submerger par les émotions et les idées noires à l'origine d'actes impulsifs.
Suicide : l'accompagnement des personnes endeuillées
Le suicide provoque souvent l'incompréhension des proches, qui sont profondément meurtris et sidérés. D'autant plus quand il s'agit du suicide d'un enfant. Au-delà de l'aide médicale et psychologique, un autre type d'accompagnement est souvent très précieux et efficace pour les personnes endeuillées : c'est celui des personnes qui ont vécu la même chose.
Des groupes de parole réunissent des parents dont l'enfant s'est suicidé. Les groupes de parole leur permettent de partager cette expérience douloureuse.
Pour obtenir les coordonnées des associations proposant notamment des groupes de parole, vous pouvez consulter le site Internet de l'Union nationale pour la prévention du suicide (UNPS) ou celui de l'association Empreintes, qui accompagne dans le deuil.
Adolescences suicidaires, un centre spécialisé
Le suicide est parfois vu comme la seule solution à la souffrance morale. Notamment dans les suites d'harcèlement à l'école.
Des centres spécialisés proposent une prise en charge adaptée, afin de prévenir les récidives de suicide. La prise en charge est globale : sommeil, alimentation, activité physique... Des ateliers sont également organisés, notamment de musique.
Un suivi au long cours, auprès d'un psychiatre, est ensuite mis en place.
Les internes, particulièrement touchés par le suicide
Un suicide tous les 18 jours... Les internes sont une population particulièrement à risque de suicide.
En 2021, c’est avec le hashtag #ProtegeTonInterne lancé sur les réseaux sociaux que l’ISNI, l’intersyndicale des Internes, a souhaité alerter sur une situation très préoccupante : le suicide des internes en médecine.
En 2023, la situation ne s'est pas améliorée. Les conditions de travail restent particulièrement éprouvantes, avec plus de 60 ou 80 heures par semaine. La première mesure à respecter serait de respecter la durée légale, soit 48 heures de travail.
En savoir plus
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· Union Nationale Prévention Suicide (UNPS)
· Suicide Ecoute
· Santé publique France
· Ameli.fr
· Fondation FondaMental