Suicide : état des lieux en France
En France, presque un décès sur 50 est un suicide, soit plus de 10 400 décès par suicide chaque année. Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), publié le 13 décembre 2011, dresse un état des lieux concernant ce fléau qui reste une cause majeure de mortalité dans notre pays.
"Survenant dans des souffrances psychiques insoutenables où les troubles mentaux ont une influence majeure, le suicide est classé au sein de la mortalité évitable", décrypte dans les premières lignes de l'éditorial du BEH, Jean-Louis Terra, professeur de psychiatrie à l'université Claude Bernard Lyon I.
Afin de lutter au mieux contre ce fléau "évitable", les auteurs du BEH se sont intéressés aux pensées suicidaires, aux tentatives de suicide et aux décès par suicide. D'après les résultats d'une enquête menée auprès de 27 000 personnes par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) en 2010, 3,9 % des Français interrogés ont pensé au suicide au moins une fois au cours de l'année précédente. Et ces pensées suicidaires étaient encore plus fréquentes chez les 45-54 ans, hommes et femmes confondus, que parmi le reste de la population.
Disparités entre les sexes
En proportion, les femmes sont plus nombreuses à passer à l'acte. En 2010, 7,6 % des femmes ont déclaré avoir déjà tenté de mettre fin à leurs jours, contre 3,2 % des hommes. Les tentatives de suicide étant majoritairement le fait de femmes jeunes (15-24 ans). D'ailleurs, 65 % des personnes hospitalisées après une tentative de suicide sont des femmes, selon l'Institut de Veille Sanitaire.
Pourtant l'issue s'avère moins fatale pour les femmes que pour les hommes, qui représentent les trois quarts des victimes de suicides. " Cette différence s'explique en partie par les moyens utilisés qui sont plus souvent la prise de médicaments pour les femmes, et l'utilisation d'armes à feu ou la pendaison pour les hommes", selon François Beck, sociologue à l'INPES et auteur de l'enquête du BEH.
Populations vulnérables
La dépression, les violences subies y compris les violences sexuelles, l'isolement social, le chômage et la précarité constituent les principaux facteurs de risque dans la conduite suicidaire. D'autres facteurs plus inattendus apparaissent dans l'étude, comme la consommation de tabac, en particulier chez les femmes, ainsi que l'abus d'alcool.
Selon l'enquête, "si le fait d'avoir un emploi est reconnu comme un facteur protecteur vis-à-vis du suicide, certaines situations professionnelles caractérisées par une exposition à des contraintes psychosociales (généralement désignées sous le terme de "stress") sont reconnues comme délétères pour la santé psychique, et pourraient constituer un élément déclencheur dans la survenue de syndromes dépressifs et/ou des conduites suicidaires".
Autre donnée, le fait d'être en prison augmente de façon significative le taux de suicide en comparaison avec la population générale. Notons que 1 % des suicides en France a lieu en prison.
"Une attention particulière doit être portée à certaines populations les plus vulnérables au risque suicidaire, comme les jeunes (pour qui le suicide est la première cause de décès), les personnes âgées, en particulier lorsqu'elles souffrent d'isolement, les personnes ayant une orientation homosexuelle ou bisexuelle, les proches de victimes de suicide, ou encore les personnes ayant déjà effectué une tentative de suicide", préconise François Beck.
À l'origine, des dépressions mal diagnostiquées ?
Les auteurs du BEH soulignent le "coût humain et social" que représentent, chaque année, 90 000 hospitalisations pour tentative de suicide, concernant 70 000 patients.
Pourtant après une tentative de suicide, l'hospitalisation est loin d'être systématique. "Aucune tentative de suicide n'est anodine, que ce soit la première ou la vingtième, toute personne ayant fait une tentative de suicide doit être évaluée en urgence par un psychiatre. Mais nous n'hospitalisons le suicidant que lorsque nous jugeons le risque de récidive élevé, parfois cela doit se faire sans son consentement, avec celui de sa famille ou d'un tiers", indique le Dr Adeline Gaillard, chef de clinique de l'hôpital Sainte-Anne. "L'équipe médicale aborde le suicide lui-même pour voir si le suicidant ébauche une critique de son acte, une satisfaction d'être encore en vie et s'il a compris la gravité de son acte. Et lorsque le suicidant n'est pas hospitalisé, cela ne signifie pas qu'il est laissé livré à lui-même, nous rencontrons ses proches et nous mettons en place un suivi avec des rendez-vous de contrôle", insiste le Dr Adeline Gaillard.
Mais le problème se situerait en amont. "En France, on ne soigne pas bien la dépression. Beaucoup de médecins généralistes n'ont pas le temps ou n'osent pas demander à leurs patients s'ils ont des idées noires ou des idées suicidaires, déplore le Dr Adeline Gaillard. La moitié des dépressions ne sont pas diagnostiquées, et lorsque ces dépressions sont diagnostiquées, la moitié n'est pas correctement traitée". Or, plus tôt elle est prise en charge, mieux la dépression pourra être traitée et éradiquée. "Nous ne voulons pas seulement que le patient aille mieux. Pour considérer qu'un patient est guéri de la dépression, nous devons faire en sorte qu'il retourne à l'état antérieur à la dépression."
Bien que le nombre de décès par suicide continue de diminuer de façon régulière depuis plus de dix ans, le taux de mortalité par suicide en France (16 pour 100 000 habitants) reste encore l'un des plus élevés de l'Union européenne. Un taux deux fois plus élevé que celui de l'Espagne ou du Royaume-Uni.
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