Affaire Mediator : retour sur un scandale sanitaire
Le 9 janvier débutera le procès en appel du Mediator, avec sur le banc des accusés les Laboratoires Servier, fabricant de ce médicament à l'origine de milliers de décès et de handicaps sévères. Retour en images sur cette affaire.
Coupable d’homicides et de blessures involontaires. C'est la sentence qui était tombée, en mars 2021 et après plusieurs mois de débats, pour les Laboratoires Servier, fabricant du Mediator. Il alors condamné à indemniser des milliers de victimes.
Certaines souffrent de handicaps graves après de lourdes chirurgies cardiaques. D’autres ont perdu un compagnon, un père ou une mère.
"Ma mère n’aurait pas dû mourir à 51 ans"
C'est le cas de Lisa, dont la vie a basculé dans la nuit du 8 mars 2004 quand elle voit sa mère s’étouffer en quelques minutes."Je suis face à ma mère qui parvient à dire 'je suis en train de mourir' et que je vois rendre son dernier souffle. Je suis très en colère. Ma mère n’aurait pas dû mourir à 51 ans et moi, je n’aurais pas dû perdre ma mère à 20 ans", explique Lisa Boussinot, fille de Pascale Sarroléa, victime décédée du Mediator.
Des milliers de morts, des dizaines de milliers de victimes dont le cœur a subi des dégâts irréversibles, tel est le terrible bilan du Mediator. La famille de Pascale a déposé en 2010 la première plainte pénale contre les Laboratoires Servier.
Une première alerte en 2007
Cette plainte a été déclenchée par les révélations de la Dre Irène Frachon. Cette pneumologue au CHU de Brest est alors une des rares spécialistes de l’hypertension artérielle pulmonaire, l’HTAP, qui freine le passage du sang du cœur vers les poumons.
Elle a été alertée en février 2007 en examinant une patiente atteinte de cette maladie, souvent mortelle à l’époque.
"Le premier signal, c’est une patiente obèse qui m’est adressée, parce qu’elle souffre d’une hypertension pulmonaire très grave, une maladie rare" raconte la Dre Irène Frachon. "En regardant son ordonnance, je vois qu’elle est traitée par du Mediator. Je me souviens qu'on m’a dit que le Mediator était suspect de ressembler à l’Isoméride, un coupe-faim de Servier interdit parce qu’il provoque des HTAP très graves", explique-t-elle.
Isoméride et Mediator : une même famille chimique
L’interdiction de ce coupe-faim remonte à 1997. Parce qu’il provoquait en plus des valvulopathies, des atteintes des valves cardiaques.
Avec son équipe de l’hôpital de Brest, la Dre Frachon découvre que le Mediator, présenté par les Laboratoires Servier comme un traitement contre le diabète, différent de l’Isoméride, est en fait de la même famille chimique et entraîne les mêmes effets secondaires.
"Il s’est présenté un cas de valvulopathie incomprise et pour laquelle on a pu documenter la prise de Mediator et surtout retrouver une échographie qui était normale avant que la dame n'ait pris du Mediator" expose le Dr Yannick Jobic, cardiologue au CHU de Brest. "Je suis donc allé voir Irène en lui disant que j’avais un cas de valvulopathie au Mediator. On était convaincu qu’il fallait retirer ce médicament. C’est trop grave, même un cas pour moi, c’est suffisant" poursuit-il.
La direction de l'Afssaps impliquée
Il faudra des mois à l’équipe pour obtenir, en novembre 2009, le retrait du Mediator par l’Agence du médicament de l’époque, l’Afssaps. Ses défaillances ont d’ailleurs aussi été au cœur de l’instruction déclenchée par les plus de 4 000 plaintes de victimes du Mediator.
À l’issue du premier procès, le tribunal a jugé cette agence coupable d’homicides et blessures involontaires par négligence, et les Laboratoires Servier coupables de tromperie aggravée ainsi que d’homicides et de blessures involontaires.