Victimes du Mediator : "la descente aux enfers continue"
Lourdement condamné en appel, Servier se pourvoit en cassation et la bataille judiciaire se poursuit. Mais pour les victimes du Mediator, la vie avec les séquelles est un combat quotidien.
Michèle a pris du Mediator pendant deux ans. Et en deux ans, le médicament a détruit les valves de son cœur, qui ont dû être remplacées par des prothèses mécaniques. Ces prothèses risquent en permanence de s’infecter ou de créer un grave problème de coagulation.
"Il y a une épée de Damoclès au-dessus de votre tête sans arrêt, on attend, on met la tête dans les épaules… Ça tombe, ça tombe pas ? Non, ça tombe pas", confie Michèle Jetot, victime du Mediator.
Une aggravation des séquelles du Mediator
Pour l’instant, son cœur tient malgré les cicatrices de l’opération à cœur ouvert. Cette grave atteinte a déjà été indemnisée après une longue procédure en 2016. Mais aujourd’hui, son mari vient de décéder et Michèle doit faire face à l’aggravation des séquelles du Mediator.
"Il y a plein de choses que je ne peux plus faire. Je n'ai plus de force dans les mains, dans les jambes… Plus ça va, plus ça m'abandonne. Si je pouvais avoir un peu plus d'aide parce que je suis vraiment toute seule. Je parviens à me laver, mais pas sous la douche parce que je suffoque. Et comme j'ai des vertiges, je me méfie, car je suis toute seule", explique Michèle.
Accident vasculaire, hématome, décès...
Michèle n’a pas les moyens de payer quelqu’un pour sécuriser tous les moments à risque de sa journée. Elle va devoir solliciter une nouvelle indemnisation. Comme un grand nombre de victimes du Mediator accompagnées par la Docteure Irène Frachon, qui a lancé l’alerte sur ce médicament.
"Les aggravations vont continuer à être analysées dans les années à venir, pour 5, 10, 15 ans, je ne sais pas" explique la Dre Frachon, pneumologue au CHU de Brest. "Ce sont des gens qui ont déjà été reconnus pour des atteintes cardiaques liées au Mediator et qui tout à coup s’aggravent. Ils sont obligés d'avoir une pile, ils font un accident vasculaire, un hématome, ils sont opérés à cœur ouvert ou le drame, ils décèdent. La descente aux enfers continue", poursuit-elle.
Le combat continue devant la justice
Le combat aussi continue devant les tribunaux, avec un risque de cassation de la condamnation des laboratoires Servier en 2023. Mais aussi devant l'Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) où 1 000 dossiers sont encore en examen.
"Il y a soit des gens qui ont découvert récemment qu'ils étaient malades du fait du Médiator, soit des victimes connues qui ont déjà eu une première procédure et qui aujourd'hui souffrent de nouvelles difficultés" explique Maître Charles Joseph-Oudin, avocat des victimes du Mediator.
"Une valve qui marche moins bien, une valve qui s'est bloquée, une infection sur une valve, une bioprothèse qu'il faut venir changer et tout ça donne lieu à des aggravations et à de nouvelles procédures", précise-t-il. 15 ans après son interdiction, le Mediator continue à faire souffrir ses victimes.