Les probiotiques sont-ils réellement efficaces ?
Selon deux nouvelles études, non seulement les probiotiques n'ont aucun effet sur une partie de la population, mais pourraient en outre provoquer des effets délétères s'ils sont pris à la suite d'un traitement antibiotique.
Faut-il prendre des probiotiques ? L'utilité de ces produits, tant chez les personnes en bonne santé que chez les malades, fait toujours l’objet de débats dans la communauté scientifique. Les situations dans lesquelles une efficacité est suggérée par quelques études sont, pour l’heure, très limitées [1]. De nouveaux travaux publiés début septembre dans la revue Cell viennent accroître les doutes quant à leurs bénéfices pour la santé.
Le microbiote naturel ne se laisse pas facilement coloniser
La première étude avance un fait déjà soupçonné par le passé : lorsque les bactéries du probiotique sont ingérées par une personne saine, celles qui sont déjà présentes dans l’intestin ne leur laisse pas automatiquement de place pour s’installer.
Dans le meilleur des cas, il semble qu’au terme de plusieurs semaines d’ingestion de probiotiques, quelques bactéries trouvent un petit coin où se développer. Une situation n’augurant qu’un effet très marginal sur l’équilibre du microbiote – et donc sur la santé de l’hôte.
Des bactéries intégralement expulsées chez quatre volontaires sur dix
Mais l’étude montre également que, le plus souvent, les bactéries sont expulsées dans les excréments, sans autre forme de procès.
Le probiotique employé dans l’expérience intégrait onze souches de bactéries vivantes [2]. Quinze volontaires sains ont subi une coloscopie et une endoscopie destinée à échantillonner les bactéries présentes dans différentes parties de leur intestin. Deux tiers des participants ont ingéré les probiotiques deux fois par jour durant un mois – le dernier tiers recevant, à son insu, un placebo.
Parmi les dix personnes traitées avec des probiotiques, quatre n’ont gardé aucune trace des nouvelles bactéries dans leur intestin, quelques rares représentants ayant subsisté dans l’organisme des six autres volontaires. Les données recueillies laissent supposer que les personnes résistantes à l’implantation de nouvelles bactéries possédaient déjà des souches voisines dans leur intestin.
Les encombrants colons du côlon
Ces premiers travaux portaient sur l’implantation bactérienne chez des personnes dont l’estomac était déjà normalement peuplé. Dans la seconde étude, les chercheurs ont décidé de faire "place nette" dans les entrailles de 21 volontaires, en leur administrant durant sept jours un traitement antibiotique, entraînant chez eux une importante dysbiose (déséquilibre microbien). Huit volontaires ont bénéficié un mois durant d’un traitement à base de probiotique, sept autres ne recevant aucun traitement particulier. Les six derniers patients en dysbiose ont, pour leur part, reçu une auto-transplantation fécale (ingestion de cultures de bactéries issues de leurs selles, prélevées avant l’expérience).
Dans un intestin décimé, les bactéries apportées par le probiotique n’ont pas tardé à établir leurs colonies. Une bonne chose ? Pas vraiment. Comparé aux personnes qui n’avaient reçu aucun traitement, le groupe sous probiotique n’avait toujours par retrouvé son équilibre microbien originel au bout des cinq mois de l’expérience.
Les greffes fécales plus efficaces que les probiotiques ?
Autrement dit, avec les probiotiques, les bactéries historiques apparaissent avoir beaucoup de difficulté à reprendre possession de leur boyau natal, et de bouter les colonisateurs hors du côlon.
Les bénéficiaires de la greffe fécale ont constitué le groupe qui s’est rétabli le plus rapidement.
Ces recherches n’ayant été conduites que sur un petit nombre de volontaires, les auteurs veulent rester prudents. Toutefois, ces observations sont cohérentes avec des recherches antérieures, qui laissent à penser que les probiotiques sont loin de tenir les promesses alléguées par ceux qui les commercialisent…
la rédaction d'Allodocteurs.fr
Sources :
- N. Zmora et al. "Personalized Gut Mucosal Colonization Resistance to Empiric Probiotics Is Associated with Unique Host and Microbiome Features". Cell, sept. 2018. 174:6, pp. 1388-1405. doi:10.1016/j.cell.2018.08.041
- J. Suez et al. "Post-Antibiotic Gut Mucosal Microbiome Reconstitution Is Impaired by Probiotics and Improved by Autologous FMT". Cell, sept 2018. 174:6, pp. 1406-1423. doi:10.1016/j.cell.2018.08.047
[1] Pour l’heure, aucun probiotique ne semble réduire le risque d’apparition d’une maladie chez une personne saine, une exception étant suggérée par des travaux sur les allergies cutanées. En revanche, de petitses études laissent penser qu’elles pouvaient réduire, chez certains patients, la durée de certaines pathologies digestives et respiratoires.
[2] Lactobacillus acidophilus, L. casei, L. casei sbsp. paracasei, L. plantarum, L. rhamnosus, Bifidobacterium longum, B. bifidum, B. breve, B. longum sbsp. infantis, Lactococcus lactis et Streptococcus thermophilus
Une autre leçon a été tirée de la première étude. En effet, les informations sur l’implantation des bactéries n’ont pu être obtenues que grâce à de nouvelles colosocopies. L’analyse des selles n’offrait, en effet, aucune information fiable. Or de nombreuses études sur l’évolution du microbiote reposent, aujourd’hui, sur la seule étude des matières fécales…