Allégations santé des produits cosmétiques : le cas Lancôme
L'Agence américaine des médicaments (FDA) a demandé à la société Lancôme de retirer des allégations jugées trompeuses sur des produits anti-rides. La FDA estime que ces publicités suggèrent que les produits cités "visent à modifier la structure ou des fonctions du corps humain, les assimilant ainsi (à tort, ndlr) à des médicaments selon la loi américaine (...), ce qui est illégal", peut-on lire dans ce courrier daté du 7 septembre 2012. Ces mêmes allégations figurent sur le site français de Lancôme. Qu'en est-il alors en France ? Qui règlemente les messages publicitaires ?
Dans une lettre publiée sur son site Internet, en date du 7 septembre 2012, la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis a rappelé à l'ordre la société Lancôme (appartenant au groupe français de cosmétiques L'Oréal) pour publicité trompeuse sur son site internet. A ce jour, le site de Lancôme n'a aucunement modifié ses assertions publicitaires.
La FDA a relevé plusieurs phrases descriptives sur des produits, en particulier des anti-rides. Selon elle, plusieurs des allégations mises en ligne laissent entendre que les produits "visent à modifier la structure, ou des fonctions du corps humain".
La FDA cite par exemple les phrases suivantes :
- tel produit "relance l'activité des gènes et la production de protéines de jeunesse" ;
- ou encore, tel produit "reconstruit l'environnement des cellules souches et réactive le pouvoir d'autorégénération de la peau".
Or selon la loi américaine, "modifier la structure du corps humain", c'est ce qui définit non pas un produit cosmétique, mais un médicament.
Si l'on en croit ces assertions, donc, ces produits ont une action qui s'apparente à celle de médicaments. Problème : ce ne sont justement pas des médicaments - ils n'ont pas suivi le circuit légal de mise sur le marché des produits médicaux, très réglementé par la FDA.
Selon la FDA, L'Oréal se met donc ainsi hors la loi.
Qu'en est-il en France ?
Là où cela devient très étonnant, c'est que l'on retrouve exactement les mêmes allégations sur le site français de Lancôme.
Les messages évoquent l'action des produits produit sur "les cellules souches" ou les "gènes". Et si l'on en croit la législation française, le raisonnement devrait être le même que celui de la FDA.
Que dit la législation sur les produits cosmétiques ?
Le Code de santé publique définit ce qu'est un produit cosmétique, dans le chapitre "autres produits et substances pharmaceutiques réglementés".
"On entend par produit cosmétique toute substance ou préparation destinée à être mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain, notamment l'épiderme, les systèmes pileux et capillaire, les ongles, les lèvres et les organes génitaux externes, ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d'en modifier l'aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles."
… par opposition à ce qui définit un produit médical.
"On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique."
Qui surveille les messages publicitaires des produits cosmétiques ?
En France, l'autorité compétente pour émettre une sanction sur une publicité trompeuse, est la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes).
Dépendant du ministère des Finances, la DGCCRF est chargée de veiller à la régulation et au bon fonctionnement des marchés sous leurs divers aspects.
Le code de la consommation (article L.121-1) prohibe les pratiques commerciales trompeuses lorsqu'elles portent, notamment, sur la nature, la composition ou les propriétés des produits mis en vente et vendus.
Les mentions apposées sur ces derniers ne doivent pas être susceptibles d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques, la nature ou les propriétés du produit qu'il achète. De plus, les fabricants ou les importateurs de ces produits sont tenus d'apporter la preuve des effets et propriétés revendiquées sur les emballages ou dans les publicités relatifs à ces produits.
Sur sa propre initiative, la DGGRF peut mener une enquête sur n'importe quel domaine professionnel, ou peut réagir à la lecture d'une publicité.
Son but : veiller à ce qu'un message ne trompe pas le consommateur.
Lors des contrôles effectués, les enquêteurs examinent attentivement la nature des produits, leur composition et leur présentation afin de s'assurer qu'ils répondent bien à la définition du produit cosmétique telle qu'elle figure à l'article L. 5131-1 du code de la santé publique et non à la définition du médicament mentionné à l'article L. 5111-1 de ce même code (voir ci-dessus).
Les services de contrôle doivent donc, avant de se prononcer sur le caractère trompeur ou non d'une allégation, demander au responsable de la mise sur le marché d'un produit les résultats des tests qu'il a réalisés pour apporter la preuve de la véracité de l'allégation qu'il fait figurer dans les publicités ou les emballages dudit produit.
"Si le professionnel ne parvient pas à la justifier, nous pouvons dresser un procès-verbal pour tromperie, ou exiger de modifier son message." explique Marie Taillard, de la DGCCRF.
Sur le cas Lancôme, pourquoi la DGCCRF ne s'est pas prononcée ?
La direction ne souhaite pas pour l'instant s'exprimer sur ce dossier.
Les recommandations de l'ARPP
En parallèle, l'autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a émis en décembre 2009 une recommandation pour encadrer la publicité sur les produits cosmétiques.
Voilà ce qu'elle dit spécifiquement sur les produits dits "anti-âge" ou "anti-rides":
- Un produit peut revendiquer une action sur les signes ou les effets du vieillissement. En ce sens, les allégations relatives à l’atténuation ou à la diminution des rides ou des ridules sont envisageables.
- En ce sens, l'emploi du mot “rajeunir” ou de ses dérivés, doit exprimer une apparence de plus grande jeunesse de la peau, sans ambiguïté dans l'expression publicitaire.
- Il est possible de se référer au mécanisme d’action du produit ou de ses ingrédients si ce mécanisme repose sur des justificatifs objectifs et que la revendication principale du produit porte clairement sur l’apparence de la peau.
"Il faut impérativement que le message publicitaire ne fasse allusion qu'à l'apparence, et ne pas donner l'impression que son rôle peut être de nature médicale", explique Stéphane Martin, directeur général de l'ARPP. "On peut donc revendiquer l'action d'un produit cosmétique sur les signes et les effets du vieillissement. Pas plus."
En savoir plus
- Food and Drug Administration (FDA)
- Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP)
Les allégations santé dans la publicité. - Allodocteurs.fr
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