Cancer : réviser les standards de traitements
Les résultats de quatre grands essais cliniques portant sur l'efficacité de différentes molécules pour le traitement des principaux cancers ont été dévoilés dimanche 1er juin 2014 au congrès de l'ASCO (Chicago).
Il s'agissait des résultats les plus attendus du 50ème congrès de cancérologie de l'ASCO. Durant trois heures, toutes les conférences étaient interrompues pour laisser place à la présentation de quatre études de grande envergure, destinées à comparer l'efficacité de différentes stratégies thérapeutiques.
Cancer du sein : exémestane plutôt que tamoxifène
La première présentation concernait l'évaluation de traitements des cancers du sein dépendants aux œstrogènes (dont la croissance est stimulée par cette hormone) chez les femmes pré-ménopausées. Pour cette frange de la population, les stratégies thérapeutiques sont plus difficiles à mettre en place, le taux d'œstrogènes sanguin étant naturellement élevé lorsque les ovaires sont fonctionnels. L'utilisation du tamoxifène (qui réduit l'expression des récepteurs des œstrogènes) associé à une classe de médicaments qui empêche la production de l'hormone apparaissait jusqu'alors comme la meilleure option médicale.
Deux études cliniques, portant sur 4.690 femmes, ont évaluer l'intérêt de remplacer le tamoxifène par un autre médicament, l'exémestane. Pour des effets secondaires comparables, la seconde molécule apparait 20% supérieure à la première tant en terme de survie au cancer que de prévention de la récidive.
Cancer de la prostate : l'intérêt du docétaxel confirmé
La seconde étude présentée portait sur le bénéfice du docétaxel, une molécule découverte à la fin des années 1980 par des chercheurs du CNRS sur le traitement du cancer de la prostate. Selon l'étude CHAARTED – qui a suivi 790 hommes atteints d'un cancer de la prostate métastasé sur près de six ans – l'incorporation précoce du docétaxel au traitement hormonal standard prolonge d'au moins 30% la survie des patients les plus lourdement atteints (espérance de vie augmentée de 13,6 mois).
Les bénéfices de cette chimiothérapie restent à démontrer pour les malades souffrant d'un cancer à un stade moins avancé. De fait, des études françaises présentées cette année au congrès de l'ASCO portant sur des patients présentant moins de métastases rapportent des résultats plus contrastés. Selon le professeur Karim Fizazi, qui a dirigé l'une de ces recherches, "l'ensemble de ces résultats démontre que la chimiothérapie est d'autant plus efficace que le cancer est étendu."
"Cette annonce va clairement changer les pratiques pour les patients ayant le plus de métastases pouvant supporter une chimiothérapie", insiste le professeur Fizazi. "La chimiothérapie sera proposée en complément de l'hormonothérapie dès le début du traitement, avec des bénéfices très importants. Pour l'heure, les données sur le bénéfice en termes de qualité de vie n'ont pas été rendus publics, mais de ce que nous savons du médicament utilisé, il y a des raisons d'être optimistes."
Cancer colorectal : le cetuximab équivalent au bevacizumab
La troisième série de résultats répond à une question qui taraude les cancérologues depuis plusieurs années : des deux molécules phares du traitement contre le cancer colorectal métastasé – cetuximab et bevacizumab – laquelle privilégier ? Pour les cancers les plus courants (mutation KRAS), la réponse des chercheurs est claire : les bénéfices des deux composés sont identiques. En cas de mauvaise tolérance à l'un des deux médicaments, les médecins peuvent donc essayer l'autre voie de traitement sans réduire les chances de survie du patient.
Cancer du sein HER2 précoce : le lapatinib (Tyverb®) n'apporte pas de bénéfices
Pour le traitement des cancers du sein caractérisés par une surexpression du gène HER2 (20 à 30% de ces cancers), le lapatinib (le Tyverb® de GSK) est utilisé depuis plusieurs années de façon standard en combinaison avec le trastuzumab. L'étude ALTTO, cofinancée par GSK, a malheureusement démontré l'absence de bénéfices propres de ce composé pour le traitement des cancers précoces. Au contraire : son utilisation est associée à une fréquence accrue d'effets secondaires (diarrhée, érythème, troubles hépatiques et biliaires).
Pour Clifford Hudson, président de la Société américaine d'oncologie clinique (ASCO), "ces résultats attendus permettront d'optimiser des traitements de chimiothérapie très répandus".
"En identifiant les protocoles les plus efficaces pour soigner les personnes atteintes de ces cancers fréquents, ces études leur garantissent de vivre mieux, et plus longtemps".
VOIR AUSSI
- Congrès de l'ASCO 2014
- Cancer du sein : des mécanismes biologiques insoupçonnés jouent sur la survie à long terme, article du 1er juin 2014.
- La cancérologie fait son bilan annuel à Chicago, article du 31 mai 2014.