Chirurgiens et anesthésistes : le grand désamour ?
En 2012, 330 incidents entre un anesthésiste et un chirurgien ont été signalés à la Haute Autorité de Santé (HAS). On peut supposer que d'autres sont restés lettre morte. Le problème, c'est que ce défaut de communication entre ces praticiens du bloc opératoire occasionne des erreurs médicales.
Une femme de 55 ans a été confondue avec une autre patiente et endormie pour rien. Un homme a été atteint d'une embolie pulmonaire à cause d'une mauvaise prise en charge après une intervention chirurgicale.
Une étude réalisée par la Haute Autorité de Santé (HAS) auprès de 534 chirurgiens et 294 anesthésistes confirme qu'il y a de l'eau dans le gaz entre ces deux professions. Le questionnaire montre que 42% des interrogés reconnaissent l'existence de conflits avec leur confrère de l'autre spécialité. Notamment dans la prise en charge du patient après l'intervention chirurgicale. Près de la moitié des chirurgiens estiment que le travail de l'anesthésiste est "passable" ou "insuffisant", quand seulement 20% des anesthésistes pensent la même chose de leur confrère.
"Le problème, c'est que les anesthésistes ne sont pas assez nombreux en France et qu'ils sont recentrés sur les blocs opératoires ou en réanimation pour les faire tourner. Nous avons abandonné ces dernières années les patients aux chirurgiens après l'opération. Or, dans certains cas, nous sommes mieux formés que les chirurgiens pour soigner certaines complications", déplore un anesthésiste parisien, le docteur Jean-Louis Germain (SNMH-FO).
Un rideau de fumée qui masque les vrais problèmes
En post-opératoire, anesthésistes et chirurgiens ne se croisent que très rarement au chevet du patient fraîchement opéré. 80% des chirurgiens admettent que les temps de visites sont séparés. Seulement 33% des médecins prescrivent après un avis partagé avec l'autre spécialité.
"C'est surtout un problème de concertation. Bien souvent, après une intervention, l'infirmière ne peut s'adresser qu'au seul chirurgien en cas de problème. Depuis quelques années, on a abandonné la visite après le bloc opératoire. Et parfois, cela peut engendrer des erreurs médicales", ajoute le docteur Germain.
Le docteur Cuq, chirurgien et président de l'Union des chirurgiens de France, tempère : "C'est un vieux débat. Il y a parfois des problèmes mais la situation s'est généralement améliorée en matière de communication au bloc. Pour le post-opératoire, c'est vrai que l'on manque d'anesthésistes."
Sa conclusion prend la HAS à contre-pied. Selon lui, l'étude est un écran de fumée pour taire des problèmes beaucoup plus graves qui menacent la chirurgie en France. "Nous sommes très inquiets sur la question des tarifs des actes qui sont bloqués pendant que nos primes d'assurance s’envolent, et par les coupes dans le financement de l'innovation thérapeutique."
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