Cortisone et retard de croissance : un impact limité
La prise de cortisone sur le long terme a longtemps été associée à des retards de croissance chez l'enfant. Pourtant, selon une étude canadienne, cet effet secondaire doit être relativisé.
En France, près de 3,5 millions de personnes souffrent d'asthme et il naît toutes les dix minutes un futur asthmatique. Et en moins de vingt ans, le pourcentage d'adolescents souffrant d'asthme a augmenté de plus de 40%.
Cette maladie du système respiratoire touche les voies aériennes et notamment les bronchioles, et se traduit par la difficulté à expirer.
Des inhalateurs qui délivrent des corticostéroïdes sont utilisés en cas de crise chez les enfants atteints d'asthme sévère. Bien que ce mode d'administration soit considéré comme le plus approprié et le plus sûr, la prise régulière de corticostéroïdes est depuis toujours un sujet polémique : la prise de cortisone sur une longue période étant connue pour ralentir la croissance des enfants asthmatiques.
Une nouvelle étude de grande envergure sur les effets de son administration par inhalateur vient d'être réalisée. Ses conclusions se veulent plutôt rassurantes.
Portant sur 8.471 enfants répartis en 25 essais cliniques sur des périodes allant de trois mois à six ans, l'étude canadienne a révélé que l'inhalation de cortisone avait un effet limité sur la croissance des enfants.
Les différents essais cliniques menés par l'équipe de Francine Ducharme, de l'université de Montréal ont révélé que l'inhalation de cortisone dans l'enfance avait entraîné un ralentissement de la croissance de 0,5 centimètre en moyenne dans la première année de traitement. Les chercheurs ont aussi noté que les effets sur la croissance tendaient à s'atténuer dans les années suivantes. À l'arrêt du traitement, les enfants et adolescents rattrapaient leur retard.
Un seul essai clinique s'est penché sur la taille des participants à l'âge adulte. Une différence de 1,2 centimètre a été observée entre les personnes ayant inhalé des corticoïdes pendant leur enfance et ceux à qui on avait donné un placebo. Une étude menée sur trois ans, a révélé que l'écart n'était plus que de 7 mm à la fin des tests.
Pour l'équipe canadienne, "c'est le prix à payer pour que le traitement soit efficace". Chaque année 2.000 personnes, dont 600 adolescents, meurent à la suite d'une crise d'asthme dans le monde.
Selon Florence Trébuchon, allergologue, ces résultats ne sont pas surprenants. Le dosage très faible en cortisone par voie inhalée n'altère pas ou très peu la croissance. "Il y a pas mal d'idées reçues sur l'asthme. Il est finalement plus dangereux de ne pas traiter les enfants, car sans traitement la mauvaise oxygénation de leurs organes ralentit elle aussi la croissance. Et il n'est pas rare qu'un enfant en début de traitement fasse une poussée de croissance", indique l'allergologue.
Des chercheurs anglais mettent eux l'accent sur l'importance de la bonne utilisation des inhalateurs par les enfants. En effet selon eux, en cas de mauvaise utilisation, les corticostéroïdes stagnent trop souvent dans la bouche, au lieu d'atteindre les poumons. Ils seraient alors plus facilement absorbés dans le sang et auraient un impact plus négatif sur la croissance.
Une idée que réfute Florence Trébuchon. "La bouche est une muqueuse comme une autre, la stagnation de la cortisone s'y fait en très faible dose et elle ne risque pas de passer plus dans le sang que depuis les poumons". Pour l'allergologue, en cas de stagnation le problème est tout autre. "Si les corticoïdes stagnent dans la bouche, alors ils n'atteignent pas les bronches et le traitement n'est plus efficace. Et trop souvent le traitement va être augmenté alors que cela n'est pas nécessaire".
Pour l'allergologue, le traitement par micropoudre, qui se dépose directement sur les bronches, et les chambres d'inhalation pour les enfants de moins de 5 ans sont les plus efficaces pour lutter contre les crises d'asthme.
Etude de référence : "Inhaled corticosteroids in children with persistent asthma: effects on growth", Linjie Zhang, Sílvio OM Prietsch, Francine M Ducharme, The Cochrane library, publiée le 17 juillet 2014.