Asthme et corticoïdes : le vrai du faux
Une dépêche relayant une étude américaine sur le traitement de l'asthme, et reprise par plusieurs médias, conclut à l'inefficacité des corticoïdes. Problème : l'étude dit tout autre chose.
L'histoire commence par une dépêche de l'AFP, publiée le 12 septembre 2012, et qui se fait l'écho d'un article publié dans une revue scientifique renommée. La dépêche est rapidement reprise par plusieurs médias, notamment sur la toile.
Cette dépêche, et les articles qui s'en inspirent, affirment que "des prises de corticoïdes ne seraient pas nécessaires" dans le traitement de l'asthme ou encore que "les corticoïdes n'auraient pas d'effet dans le traitement de l'asthme". On peut lire également que les chercheurs "n'ont notamment constaté aucune différence notable dans le fait de faire deux inhalations par jour de corticoïdes ou pas".
On comprend donc, à la lecture de ces articles, que les asthmatiques pourraient éviter de prendre de la cortisone. Il n'en est rien. Problème de traduction ou de méconnaissance scientifique ?
"Des âneries"
Nous avons lu l'étude en question, publiée sous la direction du chercheur William J. Calhoun, de l'université du Texas, aux Etats-Unis, dans le très sérieux Journal of the American Medical Association (JAMA). Et là, surprise : les conclusions de cette étude sont aux antipodes de celles annoncées dans la dépêche de l'AFP.
"De bout en bout, la dépêche de l'AFP raconte des âneries", s'agace Philippe Girard, pneumologue à l'Institut mutualiste Montsouris, qui a également lu attentivement l'étude américaine.
Que dit précisément cette étude ?
Son objectif n'était pas de questionner l'efficacité des corticoïdes sur l'asthme. Au contraire, elle entend comparer trois stratégies différentes de suivi des personnes asthmatiques. Lesquelles stratégies de traitement étaient toutes à base d'inhalation de corticoïdes. La cohorte de l'étude était composée de 342 adultes, asthmatiques légers à modérés, prenant des corticoïdes tous les jours. Ils ont été divisés en trois groupes, observés entre juin 2007 et juillet 2010.
Le premier groupe était suivi régulièrement (toutes les 6 semaines) par un médecin, qui ajustait les doses du traitement selon le bilan de chaque visite. Le deuxième groupe voyait son traitement ajusté en fonction d'un test respiratoire - cela consistait à mesurer la dose d'oxyde nitrique (NO) expiré par le patient. Enfin, le traitement du troisième groupe était basé sur un auto-ajustement : le patient lui-même ajustait sa dose en fonction de ses symptômes quotidiens.
Au final, l'étude montre qu'aucune de ces stratégies ne présente un avantage par rapport aux autres dans le traitement de l'asthme. "L'étude est très sérieuse, mais aussi très complexe, difficilement applicable dans la pratique", conclut Philippe Girard. "Et après tout, ses conclusions ne révolutionnent pas vraiment les connaissances sur la prise en charge de l'asthme."
On peut donc s'interroger, in fine, sur le choix de relayer une étude scientifique ultra-spécialisée, sans impact direct sur la vie des malades, dans une presse grand public. A fortiori en interprétant de travers les propos des chercheurs pour laisser entendre que les asthmatiques pourraient se passer de corticoïdes, ce qui, rappelle Philippe Girard, est "une totale aberration, puisque l'arrêt du traitement est une des causes de décompensation de l'asthme ".
Etude de référence : "Comparison of Physician-, Biomarker-, and Symptom-Based Strategies for Adjustment of Inhaled Corticosteroid Therapy in Adults With Asthma", JAMA. 2012;308(10):987-997. doi:10.1001/2012.jama.10893
En savoir plus
-
Asthme : quand les bronches s'encombrent, dossier complet.
-
Asthme professionnel : quand le travail rend malade, dossier complet.