Du lithium pour protéger nos nerfs ?
Une équipe de chercheurs français a mis en évidence les effets bénéfiques du lithium dans le processus de remyélinisation des nerfs. Une découverte qui pourrait être une avancée dans la neuroprotection chez l'homme.
Quelquefois, le sel est bon pour la santé, du moins sous certaines formes. Le chlorure de lithium, un sel traditionnellement utilisé comme régulateur de l'humeur dans le traitement des troubles bipolaires, semble induire la réparation des neurones abimés chez la souris, en renforçant la gaine de myéline. Charbel Massaad, directeur de l'UFR "Biomédicale" à l'université Paris-Descartes, et son équipe de recherche de l'Université Paris Descartes, dont fait partie Julien Grenier, maître de conférence, ont ainsi détruit la gaine de myéline de souris de laboratoire pour étudier les effets du lithium sur les nerfs.
Des souris supplémentées en lithium
"Nous avons effectué un fort pincement d'un réseau de nerfs pendant 30 secondes au niveau facial chez des souris. Cela a conduit à la destruction de la gaine de myéline, en préservant les axones, c'est à dire la structure-même du nerf", nous explique Julien Grenier. Une opération qui a paralysé les moustaches des rongeurs. Les chercheurs ont ensuite effectué des injections de chlorure de lithium en intrapéritonéale (dans le ventre) chez un groupe de souris, contre un groupe témoin : les souris traitées ont complètement recouvré le mouvement de leurs moustaches dans les huit jours, comparativement aux autres, non supplémentées, qui ont refait des petits mouvements seulement à partir de 20 jours. Une inspection minutieuse des nerfs a révélé que la gaine de myéline était bien plus épaisse chez les souris traitées.
"La remyélinisation est un phénomène naturel, elle n'est en rien irréversible", précise le chercheur. "Mais l'équipe de recherche a mis en évidence la forte stimulation qu'exerçait le lithium sur le phénomène."
D'autres études ont été menées au niveau du nerf sciatique, ainsi que d'autres modes d'administration du sel de lithium (dans l'eau de boisson), "les conclusions ont été les mêmes", indique Julien Grenier.
Quelles applications chez l'homme ?
Chez l'homme, cette découverte pourrait avoir des applications dans le traitement des maladies neurodégénératives du système nerveux périphérique. "Les résultat de ces études chez la souris ouvrent la voie vers une autre façon de protéger le système nerveux", explique le maître de conférence. "Les sels de lithium pourraient avoir, par exemple, un intérêt dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth, en tout cas dans certains sous-types de la maladie…"
Plus surprenant, le lithium pourrait être utilisé pour prendre en charge les accidentés... "On pourrait imaginer, pourquoi pas, que les pompiers donnent au motard qui vient d'avoir un accident de la route du lithium pour protéger son système nerveux…", dit Julien Grenier.
Espérons que le lithium, qui est une molécule peu spécifique et peu coûteuse, pourra trouver sa place dans le traitement des maladies neurodégénératives. Sans lui prêter toutefois toutes les vertus. Il ne s'agit en effet pas d'une molécule anodine, "elle peut par exemple, mal dosée, provoquer des tremblements", rappelle le chercheur.
Source : "Bipolar drug fixes damaged nerves to restore movement", Jessica Hamzelou, NewScientist, 20 février 2012.