Etats-Unis : moins d’antibiotiques dans les assiettes
A partir d'avril 2012, la Food and Drug Administration (l'agence américaine du médicament) compte limiter l'utilisation dans les élevages (sauf chez les canards et les lapins) des céphalosporines, une classe d'antibiotiques pouvant traiter des maladies infectieuses chez l'homme. La raison : les risques de résistance chez l'homme à ces mêmes traitements antibiotiques.
Trois questions au Pr. Patrice Courvalin, directeur de l'unité des agents anti-bactériens à l'Institut Pasteur :
- Où en sommes-nous en France avec les antibiotiques dans nos assiettes ?
Pr. Patrice Courvalin : "Nous sommes soumis à la réglementation européenne qui est très en avance sur les Etats-Unis. Depuis 1999 et le procès Pfizer Animal Health SA / Conseil et Alpharma Inc., l'Europe a interdit l'utilisation de certains antibiotiques comme additifs alimentaires pour favoriser la croissance animale, bien que ce postulat n'ait jamais été démontré.
"On utilisait notamment des macrolides, des tétracyclines et des glycopeptides. Aujourd'hui les antibiotiques n'ont pas disparu car les vétérinaires continuent d'en prescrire en prévention et en traitement des animaux. Et les quantités sont importantes car les volumes d'antibiotiques utilisés chez les animaux sont plus importants que ceux utilisés chez l'homme."
- Quels sont les risques pour la santé humaine ?
Pr. Patrice Courvalin : "Il existe deux risques essentiels. D'abord qu'il subsiste des résidus antibiotiques dans la viande et les produits animaux, avec des risques d'allergies pour les personnes qui en consommeraient. Dans ces cas là, de faibles quantités d'allergènes suffisent à déclencher une réaction. L'autre risque est le développement de bactéries résistantes. Les bactéries animales s'accoutument aux antibiotiques si on en prescrit régulièrement.
"D'ailleurs, l'expérience montre qu'en abattoir la viande est toujours contaminée par des bactéries résistantes. Ces bactéries, si vous les ingurgitez, peuvent coloniser votre tube digestif et vous pouvez développer une infection, comme la salmonellose. Mais il peut se passer autre chose : ces bactéries peuvent transférer leur résistance aux bactéries humaines. C'est pour toutes ces raisons qu'il faut un usage prudent et raisonné des antibiotiques afin d'éviter les phénomènes de résistance croisée, c'est-à-dire le fait de devenir résistant non seulement à l'antibiotique concerné mais à toute sa clase thérapeutique.
"Il faut donc faire baisser la consommation d'antibiotiques chez les animaux, comme on l'a fait chez l'homme. Cela signifie améliorer l'hygiène des élevages, améliorer les conditions de vie, éviter d'entasser les animaux pour éviter les blessures et les infections, etc."
- Est-ce compatible avec l'élevage intensif ?
Pr. Patrice Courvalin : "C'est un effort, un choix, mais ça vaut le coup. Et c'est la voie à suivre car la résistance des bactéries humaines est un véritable problème de santé publique. Aujourd'hui, l'industrie pharmaceutique ne développe plus beaucoup de molécules innovantes et préfère se tourner vers les médicaments des maladies chroniques - plus rentables - plutôt que vers la découverte de nouveaux antibiotiques. Donc à terme, le risque est de se retrouver avec des infections qu'on sera incapable de soigner."
En savoir plus
- Allodocteurs.fr
- "Alimentation : des antibiotiques dans nos assiettes ?"
- Le Monde.fr
- "Les animaux d'élevage malades des antibiotiques", par Catherine Vincent, 17 novembre 2011.
- Cour de justice de l'Union européenne
Arrêt du tribunal de première instance dans l'affaire Pfizer Animal Health.
- Ministère de l'Agriculture français
"Résistance aux antibiotiques dans les élevages : le ministère lance un plan pour réduire les risques d'antibiorésistance en médecine vétérinaire".