Génériques : réduire les primes des pharmaciens ?
Levier majeur pour réduire les dépenses de santé, la diffusion des médicaments génériques reste toutefois "poussive" selon la Cour des comptes, qui suggère d'impliquer davantage les médecins et de revoir les incitations financières "extrêmement coûteuses" versées aux pharmaciens.
En dix ans, le nombre des boîtes de génériques a été multiplié par trois, avec un peu plus d'une boîte de génériques sur quatre boîtes de médicaments vendues en 2012 (689 millions), contre une sur dix en 2002. Le taux de substitution d'un médicament original par son générique a augmenté de 35 à 82% entre 1992 et 2012. Malgré cette progression, la France reste à la traîne de ses voisins européens.
Afin de maîtriser les dépenses publiques en matière de santé, le gouvernement souhaite que les génériques représentent un quart du marché français en 2017. Il mise sur 3,5 milliards d'économies d'ici la fin du quinquennat.
Mais "une nouvelle approche s'impose", estime aujourd'hui le Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, à l'occasion de la présentation du rapport annuel de cette juridiction administrative. "Il faut aller plus loin, plus fort dans la distribution des génériques, il faut davantage responsabiliser les médecins et davantage sensibiliser les patients."
La France pourrait ainsi économiser "beaucoup plus". Dans ce rapport, la Cour souligne que le choix d'un "dispositif uniquement incitatif" centré autour du pharmacien se révèle aujourd'hui d'une "efficacité limitée et extrêmement coûteux". En effet, sur deux euros d'économies potentielles, un euro est versé aux pharmaciens.
Une opération très rentable pour les pharmaciens
Au titre des incitations financières mises en place pour développer le générique, les pharmaciens ont bénéficié d'environ 1,7 milliard d'euros en 2013, soit un montant du même ordre que les économies nettes calculées par l'Assurance maladie la même année (1,6 milliard d'euros). Entre 2007 et 2012, ces incitations ont coûté 5,9 milliards.
Selon la Cour, il faudrait redéfinir les modalités de la rémunération en baissant progressivement les incitations en faveur des génériques, pour aller vers une rémunération davantage forfaitaire, moins dépendante du volume des ventes.
Pas assez de génériques proposés
La Cour des comptes critique également le périmètre "trop limité" du répertoire qui recense les groupes génériques pouvant être proposés par les pharmaciens au patient en remplacement d'un médicament princeps.
La Cour suggère "d'élargir significativement" la liste des médicaments substituables.
Des médecins trop peu impliqués
Le "rôle marginal" joué par les médecins est aussi dans le collimateur de la Cour des comptes. "Les prescriptions s'orientent vers les produits plus récents, donc plus chers, toujours sous brevet, sans souvent qu'ils apportent une amélioration du service médical par rapport à des molécules substituables", regrette les auteurs du rapport.
Les médecins perçoivent bien une rémunération supplémentaire (75 millions d'euros en 2013) s'ils atteignent les objectifs de prescription de génériques pour cinq grandes classes thérapeutiques. Mais cette rémunération supplémentaire ne constitue "qu'un bonus" et n'est pas modulée ou diminuée en cas de non respect des objectifs.
La Cour des comptes préconise donc de "mobiliser les médecins" pour que ceux-ci prescrivent plus de médicaments substituables. Elle propose ainsi d'élargir les objectifs des praticiens, qui seraient financièrement incités à rédiger un nombre minimum de prescriptions mentionnant non pas le "nom de marque" du médicament mais bien le nom de la molécule entrant dans sa composition.
Reprenant une analyse de l'Assurance maladie, la Cour des comptes estime qu'en appliquant cette mesure, le montant annuel de la dépense remboursée pourrait diminuer de 1,125 milliard par an.