Irlande : un décès relance le débat sur l'avortement
En Irlande, une jeune femme est décédée des suites d'une fausse couche à cause de son médecin qui a refusé de lui faire une interruption médicale de grossesse. Après plusieurs jours de souffrance, elle est morte de septicémie. L'avortement reste toujours tabou en Irlande, même lorsque la vie de la mère est en danger.
Savita Halappanavar s'est présentée le lundi matin dans une clinique de Galway, à l'ouest de l'Irlande, avec d'importantes douleurs dans le dos. La jeune femme, âgée de 31 ans, était enceinte de 17 semaines.
Après avoir été informée qu'elle était en train de faire une fausse couche, elle a demandé à plusieurs reprises que l'on mette un terme à sa grossesse, a rapporté son mari au Irish Times. "Le médecin lui a répondu : tant qu'il y a un rythme cardiaque fœtal, nous ne pouvons rien faire".
Ils l'ont laissé mourir de septicémie
"A nouveau, le mardi matin, la même discussion a eu lieu. Le médecin a dit que c'était la loi, qu'elle était dans un pays catholique", a raconté son mari.
Ce n'est que le mercredi à la mi-journée que le cœur du fœtus s'est arrêté et que les médecins ont pratiqué un curetage sur la mère. La jeune femme, conduite en soins intensifs, y est décédée de septicémie dans la nuit du samedi au dimanche.
Pour le Pr. Alexandra Benachi, chef de service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital Antoine-Béclère (Clamart), il manque un certain nombre d'informations pour comprendre ce qu'il s'est réellement passé. En effet, selon elle, "il est extrêmement rare qu'une jeune femme meurt de septicémie dans ces conditions. Etait-ce une infection générale ? Une infection de l'utérus ? Dans le cas d'une chorioamniotite (infection du placenta), extrêmement rare à 17 semaines de grossesse, un traitement par antibiotique aurait pu être prescrit."
Malgré les incertitudes qui subsistent sur ce cas, le décès de cette jeune femme a suscité une vague d'indignation dans tout le pays. Plusieurs manifestations ont eu lieu, notamment une à Dublin, devant le Parlement, en hommage à Savita Halappanavar.
Le Premier ministre irlandais, Enda Kenny, a parlé d'une "tragédie", soulignant que deux enquêtes sur les circonstances du décès de Savita Halappanavar avaient été ouvertes. Le ministère de la Santé a lui aussi demandé un rapport.
L'avortement est très strictement encadré en Irlande, mais selon une décision de la Cour suprême de 1992, il est autorisé lorsque la vie de la mère est en danger. Cependant, aucune loi n'a été votée pour faire appliquer cette décision. L'actuel gouvernement a annoncé son intention de légiférer.
Il ne faut pas confondre IMG et IVG
L'IMG, ou interruption médicale de grossesse, est un avortement thérapeutique décidée pour des raisons médicales, par exemple lorsque la vie de la mère est en danger, ou lorsque le fœtus est atteint d'une maladie grave et incurable au moment du diagnostic. Elle est possible jusqu’au terme de la grossesse.
L'IVG ou interruption volontaire de grossesse est décidée par la femme qui souhaite avorter, sans raison médicale. Le délai est de douze semaines de grossesse, soit quatorze semaines d'aménorrhée.
Un tabou au cœur de l'Europe
Avec Malte, l'Irlande est le dernier pays européen où l'avortement, même thérapeutique, reste difficile.
La Cour européenne des droits de l'homme avait condamné l'Irlande, en 2010, pour avoir contraint une femme atteinte d'un cancer et qui craignait qu'une grossesse n'aggrave son état, à aller subir un avortement à l'étranger.
Quelque 4 200 Irlandaises, selon les estimations, se rendent ainsi chaque année au Royaume-Uni et sur le continent pour une interruption de grossesse.
En Irlande du Nord, où la loi limite aussi les avortements au cas où la vie de la mère est en danger, une clinique privée pratiquant des avortements a ouvert en octobre 2012 à Belfast, provoquant de fortes résistances dans la province britannique.
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