Le dépistage généralisé du sida trop peu efficace
Une étude francilienne, sur 29 services d'urgences, montre que le dépistage généralisé du sida est trop peu efficace pour détecter de nouveaux cas par rapport au coût. Les auteurs proposent de privilégier un dépistage ciblé.
En France, selon l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) on estime qu'en France 140 000 personnes vivent avec le virus du sida ; le nombre de personnes qui se découvrent infectées chaque année est d'environ 7 000. Pour prévenir une reprise de l'épidémie et prendre en charge plus tôt les séropositifs, un dépistage généralisé a été mis en place. C'est pour connaître l'efficacité de ce dispositif qu'une étude a été menée par plusieurs chercheurs franciliens, sous l'égide du Pr. Anne-Claude Crémieux de l'hôpital Raymond-Poincaré à Garches. Ils ont publié leurs résultats en ligne dans la revue Archives of Internal Medicine.
Les auteurs de l'étude ont proposé des dépistages rapides auprès de personnes se rendant dans les services d'urgences de 29 hôpitaux de la région Ile-de-france (l'incidence du sida y est la plus forte, la moitié des cas en France). Les Urgences ont l'avantage d'être fréquentées par toutes les couches de la population, ce qui rend l'étude plus pertinente. De mai 2009 à septembre 2010, les patients âgés de 18 à 64 ans se sont vus proposer un dépistage rapide du sida ainsi qu'un questionnaire. Sur les 138 691 personnes qui ont fréquenté les Urgences pendant cette période, 78 411 correspondaient aux paramètres de l'étude et 12 754 patients ont accepté le test. Parmi eux, 18 nouveaux cas ont été détectés. Cela peut paraître peu (0,14 % du groupe), mais le taux est conforme aux estimations des chercheurs.
Sur ces 18 personnes, seulement une ne faisait pas partie d'une population considérée à risque (hommes ayant eu des relations homosexuelles ou originaire d'Afrique sub-saharienne). En considérant également que huit d'entre elles auraient pu être testées car elles étaient venues pour aux Urgences pour des symptômes liés à la maladie (dont quatre ont été hospitalisées et donc auraient été testées), l'efficacité du dépistage est trop faible d'après les conclusions de l'étude. Selon le Pr. Anne-Claude Crémieux, de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches, pour Le Figaro, ces nouveaux cas étaient à un stade avancé de la maladie, ce qui met en cause cette démarche pour un dépistage précoce.
En France, où l'incidence du virus du sida est faible dans la population qui n'est pas à risque, il serait préférable, toujours selon l'étude, de cibler les dépistages sur les groupes à risque pour une efficacité accrue et un coût moindre. Néanmoins, si un dépistage généralisé est plutôt bien accepté par la population, le réduire à certaines populations pourrait être vu comme une forme de stigmatisation. Ainsi, selon le président du Conseil national du sida, Willy Rosenbaum, il convient de conserver les deux dépistages en raison du déni de certaines personnes de leur plus fort risque d'exposition au sida.
Sources :
- "Sida : le dépistage généralisé n'est pas efficace", par Martine Perez, Le Figaro, le 26 octobre 2011
- d'Almeida KW, Kierzek G, de Truchis P et al. Modest public health impact of nontargeted human immunodeficiency virus screening in 29 emergency departments. Arch Intern Med. 2011 Oct 24. [Epub ahead of print]
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Et aussi :
- Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales
A propos de la publication de résultats sur le dépistage du VIH dans les services d'urgences.